◭ messages : 42 ◭ date d'inscription : 25/03/2012 ◭ ancien métier : étudiant en médecine légale. ◭ localisation : en pleine recherche. ◭ âge irl : 27 ◭ date de naissance : 22/08/1997
De quoi es-tu coupable ? ◭ mes complices: l'alcool. la tristesse. ◭ mon crime: aimer. motif : trop aimer.
Sujet: iridescent. (stojan) Mar 27 Mar - 17:24
IRISDESCENT FT. STOJAN
YOU BUILT UP HOPE BUT FAILURE'S ALL YOU'VE KNOWN
Il marchait.
Tout les chemins mènent à Rome, disaient certains. Néo ne savait pas trop quoi en penser. Il essayait juste de se dire que, s’il allait devant lui pendant un certain moment, il arriverait bien quelque part – Rome ou pas. On disait que tout les chemins menaient à Rome mais on disait aussi que, à aller devant soi, on n’allait pas bien loin. On disait plein de choses partout, tout le temps, et Néo ne savait jamais quoi en penser. Du coup, il s’était tourné en mode « off » et il avançait lentement. Lentement, mais sûrement. Triste spectacle qu’il offrait, avec ses vêtements sales et ses poignets rouges, son air inconsolable et ses cheveux ébouriffés. On venait tout juste de l’abandonner, là, au milieu de nulle part, et il avait décidé de marcher. Une impulsion, une simple décision. Marcher. Il n’irait sûrement pas à Rome et n’irait sûrement pas très loin et il aurait mieux fait de se rouler en boule et d’attendre mais voilà : il marchait. Il n’était pas de ces pas aériens et détendus que l’on peut voir parfois. Il ne se tenait ni droit ni exagérément bossu : il était juste courbé, ayant sans doute honte de cette image qu’il renvoyait en étant courbé. Les mains ancrées dans les tréfonds des poches de son jeans, il attendait de croiser âme qui vive, si ce n’est cette fille qui le suivait, un peu plus loin – celle qui lui avait demandé s’il était perdu. Car s’il marchait sans but, accablé comme un poivrot au jour du repos, ses yeux erraient nerveusement autour de lui, dans cette rechercher perpétuelle de lui-même, des autres, de son environnement et du reste.
D’Ariana.
Ce mot inondait ses pensées, la petite brèche élargie par le raz-de-marée. La petite brèche ? Cette première année, ces trop nombreuses secondes passées sans elle. Même après tout ce temps, il se réveillait à six heures de la même manière, chaque matin : auréolé de sueur, il cherchait du bras sa copine à sa droite. Elle n’était jamais là. Juste le froid, le vide, le néant. On n’aurait pas pu comparer cette place du lit à son cœur : il continuait de battre pour elle. Qu’on lui aurait demandé s’il aimerait à nouveau qu’il aurait sûrement répondu : « je l’aimerai jusqu’à mon dernier souffle » éternel romantique mélancolique qu’il était. Il palpa les poches de son blouson en jeans, espérant qu’on aurait pu laisser quelque chose de sa vie d’avant. On l’avait évidemment privé de son briquet mais, sûrement dans un sadisme plein et illogique, on lui avait laissé ses cigarettes, clous de cercueils qui ne surent même pas lui arracher un sourire satisfait. Il ne retrouvait ni son portefeuille, ni sa nicotine, ni ses feuilles à rouler, ni une carte de chez lui, un embrun de souvenir, non, rien. Juste trois Marlboro light perdues au fond d’un paquet défoncé, à l’allure aussi repoussante que naturelle.
Il jeta la chose dans une poubelle, bien décidé à faire une croix dessus.
Comme sur tout le reste. Ah, si seulement les chagrins d’amour étaient aussi simples ! Il aurait juste fallu faire une croix dessus, balancer le tout à la poubelle et pouf! plus rien à regretter, la moitié à se reprocher et la tout à se féliciter ! Mais non. A la place, un processus lent s’enclenchait dans le cœur de Néo, une litanie incessante qui lui disait, à chaque fois que son cœur battait une fois de plus qu’Ariana : tu es seul et personne à qui le dire. A qui aurait-il pu se confier ? Ses amis, peut-être ? Evanouis après le cimetière, sûrement en train de se dire : « il faut lui laisser du temps pour s’en remettre seul. » Les gens devaient penser que Néo était un grand individualiste, pour le laisser ainsi tout seul quand il avait le plus besoin des gens. Son père, sinon ? Ah, celui-là… lors de l’enterrement, après avoir décollé pour la première fois depuis longtemps de sa liqueur, il s’était approché du brun, lui avait tapoté l’épaule en disant : « mon pauvre. tu veux une gorgée de jack’s ? »
Cela n’avait pas réconforté Néo.
Certaines personnes faisaient leurs apparitions, certaines arborant des blessures en dénigrant la douleur à grand renfort de mâchoires dûment carrés. Ils semblaient se diriger vers un endroit précis, derrière Néo. Il ne se détourna même pas pour apercevoir l’hôpital, préférant continuer tout droit avec une détermination certaine, un regard constamment nerveux. Il marcha durant des minutes et des minutes, dont les secondes s’étiraient à mesure qu’elles se succédaient.
Il avait tout son temps.
Les rues pavées du centre de la ville le virent marcher de son pas raide, un peu courbé. Il décidé de relever la tête, avant de se renfrogner en croisant les regards hostiles d’autres habitants.
C’est à ce moment précis qu’il croisa son reflet.
C’était plutôt étonnant vu que, quand il s’arrêta, son reflet continua de marcher. Il était dans une rue adjacente, reliée par une petite ruelle à celle où marchait Néo. Il aurait pu reconnaître ces cheveux bruns entre mille, cette démarche – qui, cette fois, n’avait rien à voir avec la sienne – parmi d’autres et, enfin, ce regard brun. Son reflet ne l’avait pas vu, préoccupé par quelques misères, attendant peut-être quelques providences. Néo a couru, traversant la ruelle comme diable sorti d’une boîte. Alors qu’une sérénité sévère, morne, l’avait taraudé durant sa marche, c’est une frénésie violente, une pulsion vindicative qui resta après sa course. Il se planta face à son reflet.
Stojan.
Il ne réussit pas à mettre le doigt sur ce qu’il ressentait pour lui en cet instant. Sur ce qu’il voulait, ce qu’il devait, ce qu’il aurait dû ressentir pour lui en cet instant. Une rancœur, terrible, serra son cœur dans son étreinte égoïste. Il en avait tué d’autres, Stojan. Mais pire, que tout, il avait tué Ariana. Comment raisonner Néo, qui avait aimé de tout son cœur et de toute son âme, après cela ? S’il ne parvint pas à mettre le doigt sur le sentiment qui guida ce geste, son poing trouva parfaitement la cale de la joue de son frère jumeau.
Un grand reposoir, enveloppant la figure de son frère comme une couverture.
Une couverture dure, furieuse, qui fit monter en Néo une joie intense et immense, une colère dévastatrice et méchante. Il agrippa le col de son frère, le fit pivoter jusqu’à ce que le dos de Stojan, Sto’, percute le mur derrière lui. Là, plantant ses yeux noirs au plus profond des onyx de l’autre, il ne sut quoi dire, quoi promettre, quoi vociférer.
« Je te déteste. Je te déteste. Je te déteste. » Il argumenta sa liste avec des coups dans l’estomac, irraisonnés, pas si fort mais pas si doux. « Je te déteste. » dit-il une dernière fois, rajustant un autre coup dans la joue de son frère. Pour Ariana. Toujours pour Ariana.
Spoiler:
linkin park ft. bright star. (a)
Dernière édition par Néo Gautier le Mar 27 Mar - 18:29, édité 1 fois
Stojan Gautier
◭ messages : 261 ◭ date d'inscription : 24/03/2012 ◭ ancien métier : étudiant en parapsychologie. ◭ localisation : ici, puis là.
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Sujet: Re: iridescent. (stojan) Mar 27 Mar - 18:21
Dans la " ville " de Falkenberg, il y a deux catégories. Ceux qui sautent, et ceux qui se battent. Plus le temps passe, et plus je me dis que, je suis entre les deux. Dans une attente, d'avoir la réponse un jour. Savoir si je dois continuer, ou m'arrêter et finir au bout d'une corde. Parfois je me dis que ça serait un gâchis, pourtant, ce souvenir me revient à chaque fois. Le cadavre au sol, le bitume, cette couleur rouge, ce regard vide perdu dans le ciel. Que ce qui m'a fait tenir jusque là ? Parfois, je me pose réellement la question. Avant Falkenberg, j'avais une raison de rester debout, de tenir la cadence, d'éviter de partir en vrille. Mais, je l'ai perdue. Ce n'est pas ma faute, c'est celle de cette femme, qui écoutait un peu trop aux portes, celle qui s'intéressait à ce à quoi elle ne devait pas s'intéresser. Curiosité est un vilain défaut. Et, ce jour-là il a tout vu. Pourtant, ce n'est pas de ma faute, non. C'est elle, elle a sauté, elle a voulu embrasser la paix. Je n'ai fais qu'être là, lui tenir la main. A cette pensée, je sens un sourire se glisser sur mon visage. Je ne suis pas de la pire espèce, non, à Falkenberg il y a pire. Des pyromanes, des violeurs, des psychopathes et j'en passe. Je ne pense pas faire partie de la catégorie des mauvais, après tout, je n'ai fais qu'apporter la liberté à des tas de personnes. Je n'ai pas poussé cette fille de cette fenêtre, je n'ai pas tranché le poignet à cet homme. Je suis blanc comme neige. Pourtant, je me retrouve ici. C'est triste, assez déprimant même. Falkenberg la prison, Falkenberg ou la ville du vice, je dirais même. J'essaie de relativiser, de me dire qu'au fond, c'est une énorme opportunité, mais plus le temps passe, plus cette idée est remplacée par une autre et encore une autre. Une genre d'horloge déréglée, qui après avoir fait cette heure-ci en fait une autre, va en arrière, en avant. Mes yeux se perdent sur le sol, je ne prend pas attention à ce qui m'entoure. Comme d'habitude, comme depuis que je suis ici. Un vieux fantôme qui se met à parcourir les rues, sans aucune raison.
Soupirant un long moment, je redresse ma tête, je suis dans une rue, ou je n'en sais trop rien à vrai dire. Je ne connais pas assez ce lieu pour dire exactement où je suis. Des bruits de pas, une ambiance lourde qui s'interpose et un long silence. Un visage, un regard, un poing qui s'abat sur ma figure qui me ferait presque perdre l'équilibre. Je ne peux pas à y croire, ou tout simplement, je ne veux pas y croire. Mes yeux s'écarquillent, partagé entre la surprise et le questionnement, je suis dos à un mur.« Je te déteste. Je te déteste. Je te déteste. » Un autre coup, puis encore un autre. Au fond, que ce que c'est la douleur physique ? Rien du tout par rapport à ce que je vois face à moi. Mon coeur claque contre ma poitrine, la joie. Oh oui la joie. Il est là, en chair et en os, me fixant de ses yeux sombres. Un reflet dans le miroir, une seule âme dans deux corps, deux imperfections. Néo. Nom de dieu. Je reste silencieux puis, il rajoute simplement. « Je te déteste. » Et encore un coup, à nouveau. Face à tant de violence, je n'arrive qu'à rire face à ça. Un foutu rire, nerveux et joyeux en même temps. Un fossé nous sépare, c'est véridique, un quelque chose. Néo est lunatisme incarné, la bombe à retardement. Oui, celle qui fait bien mal quand elle éclate. Tout mon contraire. Parfait ou imparfait, allez savoir. Je passe ma main sur ma lèvre, elle saigne peu, mais elle saigne tout de même. Une douleur me lance dans le ventre. Il a de la force et à vrai dire, je me demande jusqu'à où il pourrait aller. Me tuer ? Oserait-il seulement assassiner une autre partie de lui-même ? Peut-être, peut-être pas. Au fond, je ne le connais pas plus que je ne me connais moi-même. Néo est un mystère pour tout le monde, même pour moi. A cette pensée, je sens mon coeur pincer. C'est douloureux, bien plus douloureux que les coups qu'il vient de m'asséner. Baissant la tête un instant, je calme mon rire, toujours cet ignoble sourire collé au visage. « Je ne te savais pas aussi démonstratif. » J'inspire un moment, puis me redresse, me tiens au mur le mieux que je peux. Je le fixe, dans le blanc des yeux. J'aimerais le serrer dans mes bras. J'aimerais faire des tas de choses à vrai dire. Mais, maintenant qu'il sait, plus rien ne sera jamais comme avant. Avant, tout était facile, et maintenant tout se complique. J'hausse mes sourcils, cet air candide au visage. « Tu me détestes Néo, vraiment ? » Le genre de question à ne pas poser, reste à savoir s'il va répondre ou rester silencieux comme une tombe. L'un ne rattrapera jamais l'autre, c'est véridique. « Si c'est le cas, tu peux m'achever sur-le-champ. » Mon coeur s'emballe, je ne sais pas vraiment ce que c'est. La douleur, la joie, la tristesse. Bordel. Néo. Si tu me hais tant que ça, pourquoi tu ne m'as pas tué sur le coup ? Hein, dis-moi Néo ? Avoue-le, tu ne peux pas. Tu n'y arriverais pas. M'envoyer six pieds sous-terre, ça serait tuer une partie de toi-même, tuer une autre importance. Même si ta rancoeur te ronge l'âme, je sais qu'il reste quelque chose. Et si je me trompe, c'est que nous n'étions pas fait pour voir le jour.
Néo Gautier
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Sujet: Re: iridescent. (stojan) Mar 27 Mar - 18:57
Il le déteste mais comment faire ? Ce serait comme se dire, du jour au lendemain : « tiens, je vais détester ma main. » Stojan était une part entière de Néo, Néo était une part entière de Stojan. Ils pouvaient vivre l’un sans l’autre, non, ils pouvaient survivre l’un sans l’autre… mais à quoi bon ? Ils se recroisaient toujours, devant un miroir, dans une rue comme celle-ci. Les gens ne sourcillent même pas, ou à peine, en voyant ces deux copies conformes se jauger, se détailler de haut en bas alors qu’un brille de fureur, l’autre de candeur.
Stojan rit.
Néo en frisonne d’horreur, en frémit de douleur. Là, devant le rire de son cadet qu’il vient de frapper, il se demande : qui est cet homme ? qui est cette personne, ce psychopathe masochiste ? qui est mon frère ? Les réponses qui lui traversent l’esprit sont insensées, tout simplement impossibles, plus aisément lyriques que réelles. Un ennemi. Un meurtrier. Comment un petit garçon aussi gentil, aussi étrange, aussi petit que Stojan a-t-il pu tuer ces filles, tuer ces garçons, comment peut-il désormais rire des coups de Néo, son frère aîné ? Celui-ci bout intérieurement. Il n’aime pas que les gens se moquent de lui. Trop longtemps les gens ont profité de son pacifisme maladif, de son altruisme récidiviste qui le forçait à se taire pour écouter les malheurs des autres.
Maintenant, Stojan se moque de lui et il a envie de lui faire ravaler son sourire.
Il s’étonne de sa propre réaction, aussi. Comme si lui mettre le poing dans la gueule était la solution à ses problèmes, l’évènement majeur qui lui ramènerait Ariana. Mais c’était ainsi. Insensé, irréel, impossible, lui, un garçon si sage, certes certes coupable de violence, le diable si il pouvait faire du mal à une mouche, oui, il venait de frapper son frère. Au visage. Il saigne. L’aîné à relâché le plus jeune, s’est reculé d’un pas en regardant d’un œil morne son œuvre, bien vite retrouvé son calme à toute épreuve. Il toise Stojan, hésitant entre l’orgueil, le dédain et la colère. Il aimerait que chaque parcelle de son Autre disparaisse, jusqu’à ce que lui revienne la femme de sa vie mais c’est impossible. Pourquoi s’acharner ? Pourquoi prétendre qu’il le déteste alors que son nombril, le centre de son monde, sa seule inquiétude est le jeune homme, qui sourit' juste en face de lui ?
Néo aime à en détruire, Néo aime à s’en mentir.
« Je ne te savais pas aussi démonstratif. » Il a raison. Néo n’est ni un livre ouvert ni un vulgaire reflet : on dirait presque que sa vie s’est passée sous un masque de détachement souriant, un masque protecteur et rassurant qui repoussait les gens dans leurs retranchements, tandis qu’ils se disaient : « ah, ce Néo, il est gentil et heureux tout plein. » Stojan n’avait jamais connu son jumeau mieux que les autres – mais l’inverse était aussi vrai. Le garçon aurait aimé comprendre, piger pourquoi la personne qu’il se criait de connaître comme le dos de sa main – chose fausse – avait commis pareils crimes, peut-être bien plus affreux que certains malfrats. A ces yeux, Stojan avait commis le crime ultime, impardonnable.
Qui méritait trois buildings de vitres cassés, autant de force dans les coups de poings.
Néo aurait voulu jurer à son frère qu’il allait le tuer, au nom de Dieu, au nom de la Justice qu’on ne lui avait pas rendue. Il aurait voulu hurler qu’il allait le regretter tout le reste de sa courte vie, lui dire qu’il allait regretter d’être né et qu’il allait lui faire avaler sa langue. Mais se retrouver là, face à ses yeux noirs comme les siens, était troublant. Réconfortant. Comme quand on retrouve une partie du passé, chose infime qu’on a oubliée mais qui comptait beaucoup, avant. Une peluche, par exemple, ou un dessin. Sauf que Stojan était bien plus important qu’une peluche. « Tu me détestes Néo, vraiment ? »
Du fond des tripes, oui ; du fond du cœur, non.
Néo a le diable au corps. Il a envie de courir, de frapper, de bouger, d’oublier, de faire un truc. Il regarde son frère, comme subjugué par la beauté qu’il partage avec lui, comme émerveillé de le retrouver après une année de séparation, autant de secondes volées à Ariana. « Si c'est le cas, tu peux m'achever sur-le-champ. » Oh, qu’il aimerait ! qu’il aimerait le détester, le haïr de toutes ses molécules, l’achever sur le champ et oublier jusqu’à son nom ! Mais le peut-il ? peut-on détester sa main après tant de résolutions, peut-on lui pardonner malgré beaucoup de torts ?
On peut. Il ne veut pas.
« Ta gueule ! » il crie, souffrant de cette vulgarité qui semble déplacée dans sa bouche qui distribue plus volontiers du miel que du fiel. Une autre fois, il lui envoie son poing. Pas plus mollement. Il était juste perplexe – autant qu’un poing peut-être perplexe. Il avait l’impression que la réponse, lui-même, il ne voulait pas l’entendre et que la seule manière de lui échapper était de frapper, furie meurtrière et violente qui le tourmentait bien assez en ces secondes de retrouvailles. D’ailleurs, il aurait bien aimé prendre Stojan dans ses bras mais se l’interdisait.
C’était malsain.
« Je te déteste. Je te déteste. Je te détesterai toujours ! » Il passa outre ses questions, sa voix entraînante, sa petite moue de gamin. Néo adorait Stojan. Stojan et sa manière de le charmer en deux mouvements, Stojan et ses paroles de miel délicieuses, ses petites moues fantastiques et attendrissantes. A bouche de miel, cœur de fiel. « Je ne te pardonnerai pas, pas cette fois. » Il grinça des dents, serra des poings. « Jamais. » Une promesse, petite mot idiot qui ne voulait rien dire dans son sens total. « Tu m’entends ? Jamais ! » On sentait, dans les trémolos de sa voix, cette tristesse qui lui collait à la peau, cet état léthargique qui recommençait à le tourmenter.
La mélancolie.
Oh non, pas elle.
Stojan Gautier
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Sujet: Re: iridescent. (stojan) Mar 27 Mar - 19:52
Entre l'amour et la haine il n'y a qu'un pas. Je ne sais plus où j'ai entendu ça, qui me l'a dit, mais elle me revient en ce moment même. Haine et amour, amour et haine. Il y a un lien entre les deux, l'un n'existe pas sans l'autre. C'est comme vouloir séparer la lumière de l'ombre, la mort de la vie. La haine frappe, la haine crache du venin qui est douloureux à entendre, à sentir. Surtout quand tout vient d'un proche. La haine, peut faire faire n'importe quoi, elle peut tuer, elle peut rendre fou, elle peut rendre violent. Dans le cas de Néo, je découvre une partie de lui que je ne connaissais pas, ou plutôt que je ne voulais pas connaitre. Pour moi Néo, c'était des qualités, sans aucun défauts. Pourtant j'ai su me rendre compte que derrière cette face, cet affreux rôle de grand-frère, se cache quelque chose. Quelque chose que j'ai en moi aussi. Sur certains points, nous nous ressemblons, mais surtout que les mauvais. C'est assez drôle quand on y pense, comme quoi toute une histoire, peut se casser la figure, révéler les grands secrets. Pourtant, des tas de personnes essaient de se voiler la face, faire comme si de rien n'était, continuer à vivre tranquillement. Mais après le levé de rideau, plus rien n'est comme avant. Quelque chose change, se désintègre, tombe en poussière. J'attends des réponses à mes questions, j'attends une réaction, quelque chose. J'attends même à ce qu'il m'étouffe, me prenne le cou et que tout se finisse, au bout de quelques secondes. Pourtant, sa voix retentit à nouveau. « Ta gueule ! » La vulgarité, la violence. Le seul moyen chez Néo de montrer ce qu'il ressent, du moins c'est ce que je pense. Du plus loin que je me souvienne, il n'a jamais été un grand sentimental, toujours très maladroit dans sa façon de montrer ses émotions pour une personne. Un genre, d'handicapé des sentiments. Son poing se frotte à ma joue à nouveau. Mon visage en prend un sacré coup, d'ici demain, je serais bleu, tout bleu, ma peau sera témoin de sa colère. « Je te déteste. Je te déteste. Je te détesterai toujours ! » Il répète, sans cesse ce mot, ce verbe : détester. Pourquoi n'est-il pas plus précis ? Peut-être la peur, le manque de mot. J'encaisse ses paroles, et elles sont bien pires qu'un simple coup de poing en pleine figure. Les mots peuvent détruire un homme, complètement. Je sens un liquide dégouliner de ma lèvre, maintenant c'est bien plus abondant qu'avant. Un goût amer, un goût fade, comme nos retrouvailles.
« Je ne te pardonnerai pas, pas cette fois. » Est-il simplement convaincu lui-même de sa propre phrase ? Néo, est-ce que tu te rends simplement compte de ce que tu dis ? Tu me manques. Tu auras beau m'asséner de coup, il y aura toujours une partie de moi qui continuera à t'aimer, comme quand nous étions plus jeune. Une partie qui ne disparaitra jamais, et tu auras beau faire les pires saloperies du monde, ce petit truc, ne pourra jamais disparaitre. J'en pleurerais presque, mon coeur s'affole, me fait mal, affreusement mal. C'est troublant, frustrant de voir de vieilles images passer devant moi. De vieux souvenirs, de vieux fou-rires, des bons moments. « Jamais. Tu m’entends ? Jamais ! » Je fronce les sourcils, pince ma lèvre inférieure. Puis, elle me lance et je tire une vague grimace assez représentative de ma petite douleur. Il a frappé fort. Je vois dans ses yeux, des sentiments, quelque chose, je ne sais pas, je n'arrive pas à voir. Pour la première fois dans ma vie, je n'arrive pas à comprendre, je ne trouve pas ce qu'il peut ressentir en ce moment-même. « Que ce que ça t’apporte de m'asséner des coups ? Ça te fait du bien de voir mon visage à moitié démoli ? » Mon corps tremble, ce n'est pas la peur, c'est juste ... je ne sais pas. Un sentiment qui fait mal, je ne dois pas perdre le contrôle de moi-même. Stop. Je déglutis alors puis, lève mes yeux vers le ciel. « Détester, détester, détester. Rien qu'un verbe que tu te répète. Tu veux te donner bonne conscience ? Tu veux te persuader que tu me hais ? » Qui a dit que la relation entre deux frères jumeaux, pouvait être idyllique ? Loin de là. Parfois, ça hurle, ça gueule, ça fait mal jusqu'à faire pleurer l'autre, ça pose des questions qui touchent au plus profond l'autre. Quitte à avoir d'autres coups, autant qu'il réponde à mes questions. Je tente une approche, ma main effleure la peau de son visage, sa joue. Et, c'est vraiment là que je me rend compte qu'il est bien réel, face à moi. La claque est d'autant plus douloureuse à se prendre dans la figure. Néo, tu m'énerves, tu n'es qu'un sombre idiot. « Jamais ? Ce mot ne veut rien dire, et tu le sais aussi bien que moi, Néo. » De violents frissons me parcourent le dos, dire son prénom à nouveau, l'entendre. Le temps que tout m'arrive en pleine figure, le temps que je me rende compte de la situation à laquelle je suis confronté, je reste insensible au niveau de mes sensations. Jamais, jamais, jamais. Il n'a aucune signification. Il est juste là, pour te sauver, sauver ton âme, sauver tes idées. Peut-être qu'au fond, tu ne vaux pas mieux que moi mon cher frère, peut-être même que tu es pire, ou simplement similaire à moi, mais d'une façon différente. Ou alors, c'est moi qui te ressemble. Je m'embrouille, je divague. Je plains ma pauvre mère, elle qui pensait avoir donné naissance à deux perfections. Elle n'avait fait que croire, elle se voilait la face, comme la plupart des gens dans ce bas-monde. Des monstres, des bestioles, des choses. Deux personnes, similaires physiquement, quant au caractère, personne ne le saura jamais.
Néo Gautier
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Sujet: Re: iridescent. (stojan) Jeu 29 Mar - 15:17
Il le détestait. Il n’arrivait pas à s’en convaincre car cela était impossible. Inutile d’essayer. Il le savait, au plus profond de lui, derrière les creux laissés par Ariana et les renflements laissés par la colère. Il ne pouvait juste pas le détester, par un moyen peu fiable et fourbe, qui le sortait hors de lui et le rassurait. Oui, la paire d’yeux noirs de Stojan le rassurait, enfin quelque chose qui ne change pas. Il avait l’impression de, constamment, hésiter entre deux vagues, de courants contraires. Mais il y avait les yeux de Stojan, les siens, des phares brillant dans la nuit, des éléments qui ne bougeaient pas. Néo aurait pu vouloir s’appuyer sur eux, s’appuyer sur lui. Il n’y arrivait pas, préférait se morfondre dans une fausse colère tardive, une fausse mélancolie triste de retrouver son frère dans ces conditions, dans ces conséquences. Il aurait aimé que tout soit d’une simplicité limpide, que Stojan soit resté le gamin d’autrefois et que lui, Néo, son roc et aîné, son meilleur ami et son pire ennemi.
Tout comme avant.
Mais rien n’était comme avant. Quelqu’un, quelque part, là-haut peut-être, avait switché les situations, dans un plaisir sadique. Maintenant, le ressentiment semblait avoir vaincu Néo qui contemplait son frère, la frimousse perdue et attentive, cherchant solution à tout ses problèmes dans les prunelles d’obsidienne de Stojan. Juste un signe. Pour ne pas abandonner, pour retourner à ce « comme avant » qui taraudait l’aîné. « Que ce que ça t’apporte de m'asséner des coups ? Ça te fait du bien de voir mon visage à moitié démoli ? » Il est vrai qu’il doit avoir mal, pense Néo en détaillant son frère. Il se mordille la lèvre inférieure, anxieux, en se demandant à nouveau qui est cette personne, si c’est lui qui lui a fait cela. Oui, c’est lui, son poing.
Mais, surtout, ce qui le désespère c’est que son frère a raison.
C’est sans doute l’un de ses plus criants défauts. Aussi loin qu’il se souvienne, Stojan a toujours raison. Il sait toujours tout sur tout sauf quand il pose des questions étranges, sur le sens de la vie par exemple. Leurs parents auraient pu s’émerveiller d’avoir un enfant si malin mais, manque de pot, l’une est tombée de la fenêtre et l’autre dans l’alcool. Néo essaie de répondre à son jumeau mais les mots ne décollent pas de son cœur, ne passent pas sa gorge. Il n’a pas de réponse, aussi simplement que cela. Il pourrait faire autant de mal qu’il veut autour de lui, cela ne changera rien à rien. Il n’y a aucune solution à son problème, rien ne pourra jamais résoudre ce manque et ce vide, là, juste à côté de lui. Il ne répond pas, carre la mâchoire en détaillant son frère, bien décidé à lui faire comprendre par – encore une fois – les poings qu’il ne veut pas répondre, ne veut pas se casser la tête.
Seul lui importe le besoin de lui faire du mal. Un peu.
« Détester, détester, détester. Rien qu'un verbe que tu te répète. Tu veux te donner bonne conscience ? Tu veux te persuader que tu me hais ? » Sa main touche sa peau, l’effleure doucement. C’est un contact qui, à défaut d’être agréable, est réconfortant pour Néo. Un long frisson le parcourt et il ferme momentanément des yeux – si furtivement que l’on pourrait croire que c’est un simple clignement d’yeux, un réflexe nerveux naturel. Il profite de ce petit toucher, cette caresse qui lui semble sortie toute droite d’un autre temps, de quelque chose d’inconnu mais de familier, une ode à la vie trop vite oubliée.
Comme avant.
Leur relation pouvait être malsaine, simple, sans soucis, juste la leur. Si elle était tout ça, ils restaient proches, suffisamment pour que Néo darde un regard attendri sur son frère, comme si celui-ci venait de calmer sa fureur par un misérable toucher. Ce toucher, c’était comme remplacer son vide, le remplir d’un nouveau plein. Un péché, peut-être, mais un péché agréable. Il aurait bien voulu que Stojan le prenne dans ses bras, qu’il puisse pleurer Ariana tout seul, mais c’est un léger pincement de fierté que le retient à sa moue maussade, ennuyée, calme d’habitude. « Jamais ? Ce mot ne veut rien dire, et tu le sais aussi bien que moi, Néo. »
Néo.
Son nom dans sa bouche. Une mélodie trop rapidement oubliée, un plaisir trop simplement repoussé dans les tréfonds de sa rancœur. Néo. Il aimait entendre cela, entendre son frère dire son nom. Mû d’une pulsion soudaine, passant d’un état à l’autre comme il le faisait si bien, Néo prit Stojan dans ses bras, le serrant doucement contre son cœur. Il oublia le fait que celui-ci était coupable du meurtre de sa petite amie, il oublia qu’il le détestait et qu’il saignait. Non, en cet instant précis, il ne faisait que serrer son jumeau contre lui, sa partie oubliée, son morceau de puzzle délaissé.
Il ferma les yeux étroitement, ne voulait laisser passer ni lumière ni preuve de la réalité.
Il était juste là, dans un blanc immense – à moins qu’il ne soit noir – à serrer son frère dans ses bras. Deux silhouettes similaires qui s’aimaient, malgré les apparences, leurs dires ou tout simplement leurs envies. « Je te déteste. » marmonna-t-il contre l’épaule de son jumeau. « Je te déteste, Stojan » répéta-il, avec un peu plus d’aplomb, un peu plus de conviction aussi. Pourtant, il le serra d’autant plus contre lui, heureux de retrouver sa moitié, son tout.
Pour un peu plus, il se sentirait presque complet.
Mais il manquait toujours ce quelqu’un, cette femme que son ignoble frère avait osé lui dérober. Sans Ariana, il n’était rien ; sans Stojan, il n’était rien. Néo se faisait l’impression que son cœur se battait contre lui-même, que son corps était le théâtre d’un énième conflit sans résolution viable ou raisonnable. Sans décoller de son jumeau, il murmura tout contre son épaule : « Pourquoi tu m’fais ça, Stojan ? Pourquoi ? » Son ton était plaintif, peiné, très triste aussi. Mélancolique.
Stojan Gautier
◭ messages : 261 ◭ date d'inscription : 24/03/2012 ◭ ancien métier : étudiant en parapsychologie. ◭ localisation : ici, puis là.
De quoi es-tu coupable ? ◭ mes complices: elle, lui, eux, un peu tout le monde en fait. Mais, surtout moi. ◭ mon crime: le suicide. C'est déprimant, non ?
Sujet: Re: iridescent. (stojan) Jeu 29 Mar - 18:45
Le silence est un supplice, le silence signifie un long moment de réflexion. Mon coeur s'emballe d'une telle puissance que je me sentirais presque mal, mais, je dois garder ma face. Le personnage calme que j'ai toujours été. Pourtant, cet évènement me bouscule. Je ne sais pas vraiment si je dois en souffrir, ou me réjouir. C'est ça qui est difficile dans tout ça. Ne pas savoir, être coincé entre deux choix. On pourrait dire que c'est pitoyable, par habitude ce genre de truc se ressent quand on retrouve un vieil amour d'enfance, ou quelque chose qui touche l'amour pur et dur. Pourtant là, c'est différent. C'est complexe. Même tordu. Néo ne sait pas ce qu'il veut, et même moi je ne crois pas savoir. C'est peut-être ça qui fait l'originalité d'un lien entre deux frères similaires, une paire de jumeaux. Mais dans notre cas, c'est une paire de jumeaux mal conçue. Un jour nous pouvons nous hurler les pires mots au monde, nous cracher à la figure et le lendemain, tout pourrait aller au mieux pour le mieux. Comme en ce moment à vrai dire, des poings, de la violence. Juste un tout qui explose. Néo, c'est une bombe, c'est une personne qui encaisse les coups jusqu'à vider tout d'un coup. Que ce soit la violence, les hurlements, les mots qui sont douloureux à entendre. Le silence. Bon dieu Néo, murmure quelque chose, hurle, je n'en sais rien. Essaie de réagir, je ne veux pas rester planté ici à te regarder dans le blanc des yeux sans rien faire. Puis, là, c'est le drame. Le retournement de situation, le coup de théâtre. Un geste, qui est à mes yeux décisif. Je me retrouve collé à son torse, le visage sur son épaule. Les yeux écarquillés, j'ai l'impression qu'ils vont sortir de leur orbite. Toujours ce silence lourd, je reste simplement raide comme un piquet. C'est timidement que mes mains viennent se poser sur son dos. Je m'attendais à un autre coup, je m'attendais à des injures répétées mais là, c'est Néo dans toute sa splendeur. Changer d'humeur comme tout et n'importe quoi. Malgré tout, je tente de rester un minimum méfiant, je ne sais plus tellement ce qu'il se passe dans sa tête, je ne sais pas ce qu'il pense. Avant, je savais, oui mais c'était avant. Ce n'est pas un illustre inconnu, mais ce n'est plus cette personne que je connaissais sur le bout des doigts. Tout a changé, je le sens, je le sais. Depuis Ariana, tout a bousculé. Une bête engueulade à son sujet, parce que je ne l'appréciais guère et puis, tout est parti en vrille. Regretter mon geste ? Je ne regrette rien, jamais. Je ne pourrais jamais m'excuser, demander le pardon de Néo pour l'avoir envoyé là-haut. Ce n'est même pas une question de fierté, juste ... Que je n'ai pas à m'excuser. Je fronce mes sourcils à cette pensée et je profite, profite de ce moment de paix. Ce silence maintenant, fait du bien. Je me dis qu'une fois de plus, j'ai réussis à calmer la bête en furie, le " monstre " qui peut prendre possession de lui et le pousser à me démolir la figure. J'en serais presque fier. Il suffit de mots, d'un simple raisonnement et tout peut changer.
« Je te déteste. Je te déteste, Stojan » Cette phrase, encore elle. J'hausse les sourcils, presque désespéré de l'entendre, encore et à nouveau. Pourtant, il continue de me serrer. Maintenant je prends ce " Je te déteste " pour un genre d'aveux, pour une tout autre phrase qui veut dire que dans tous les cas, j'ai raison, que jamais il ne pourra me détester au sens propre et vicieux du terme. J'en rirais presque, mais je préfère profiter de ce moment, qui sera surement très court malheureusement. Si ça se trouve, d'ici quelques secondes, il pourra à nouveau hurler et se déchaîner, une genre de tempête qui ne s'arrête jamais. « Je sais. » Phrase surement inutile, mais tant pis. Mes yeux se ferment, mon coeur reprend une cadence quasi normale, même calme, peut-être trop calme justement. « Pourquoi tu m’fais ça, Stojan ? Pourquoi ? » Haussant les sourcils, j'entends quelque chose dans son ton de voix. Un quelque chose qui me mettrais presque mal à l'aise. De la tristesse ? Oui, je crois bien. Pour une fois, les rôles sont inversés, j'ai l'impression d'être le plus grand de nous deux, être celui qui efface les larmes, calme les blessures, essaie d'égayer l'atmosphère. C'est assez grisant. « Parce que, c'est comme ça. » Loin d'être la plus belle phrase au monde j'en conçois, mais la plus véritable et moins difficile à comprendre. Je lui fais du mal, mais à tous les coups, il reviendra, toujours et toujours. C'est exactement pareil de mon côté. Masochistes ? Oui, nous le sommes un peu au fond. Supporter la douleur la plus affreuse, mais aimer à en crever. Tomber ensemble, se relever ensemble. C'est un cercle vicieux. C'est la triste fatalité. « Et ce sera toujours ainsi. Tu auras beau vouloir t'éloigner, quelque chose te feras toujours revenir. Tout comme moi d'ailleurs. C'est véridique et sincèrement, depuis le temps, je me dis que c'est mal foutu. Que nous sommes, mal foutus. » Ce n'est pas la plus grande révélation, mais c'est la simple vérité. D'autres frères ou soeurs, arriveraient très bien à se séparer, à se haïr comme deux charognes se disputant un cadavre. Pourtant, là, c'est ... Oui, mal ordonné, déréglé. Je plains ma pauvre mère, qui pensait avoir deux enfants comme les autres. Deux gamins qui pouraient se détester comme n'importe qui, sauf qu'elle avait complètement tort, sur toute la ligne. « Tu peux continuer à te dire que tu me hais, mais tu te feras juste du mal. Tu ne gagneras pas grand-chose. » Facile à dire qu'à faire. Pourtant, Néo, tu te fais du mal. Beaucoup de mal. Mon étreinte se serre sur son corps, j'ai l'impression de retourner à l'état de l'enfant que j'étais, l'enfant trop curieux, qui posait des questions tordues à son grand frère qui devait tout savoir sur le monde, parce que c'était le plus grand. Et maintenant, c'est moi qui lui ouvre les yeux, qui lui marmonne mes morales douloureuses, mes morales qui ne sont pas tout le temps, bonnes à entendre. Peut-être que Néo est terre-à-terre mais il se voile la face, se plonge dans des illusions, des idées qui sont fausses, une part de lui le sait. Mais, l'autre prend le dessus alors il change, souffre, se bute à croire en ses idées. Jusqu'à ce que tout se casse la figure, tombe en poussière. S’effondre.
Néo Gautier
◭ messages : 42 ◭ date d'inscription : 25/03/2012 ◭ ancien métier : étudiant en médecine légale. ◭ localisation : en pleine recherche. ◭ âge irl : 27 ◭ date de naissance : 22/08/1997
De quoi es-tu coupable ? ◭ mes complices: l'alcool. la tristesse. ◭ mon crime: aimer. motif : trop aimer.
Sujet: Re: iridescent. (stojan) Lun 2 Avr - 16:01
L’étreinte est désespérée, désordonnée, maladroite. Pendant un an, Néo n’a pas revu Stojan, n’a pas pu le serrer contre lui ou profiter de sa présence rassurante. Alors tous ces petits gestes d’amour, d’affection fraternelle, il les a oubliés au fur et à mesure, balayés par coup de vent qui avait pour nom : abandon. Il aime le sentir contre lui, humer doucement sa peau qui est aussi la sienne, le serrer avec autant de force qu’il peut en fermant les yeux. Son cœur bat à la chamade, trop émotif, comme un écho à celui de Stojan. Au fond, Néo s’est demandé si son frère avait un cœur. Pendant cette longue année, où chaque seconde se faisait plus douloureuse que la précédente, il s’est demandé si son frère aurait agi comme cela, si un cœur s’était battu et avait battu dans sa poitrine.
Il n’avait pas encore trouvé la réponse.
Tout tordu entre les bras de son jumeau, à l’abri du froid, des regards et de la tristesse, il entendit son reflet qui lui dit : « Je sais. » Evidemment qu’il le sait. Parfois, Stojan lit en son frère comme dans un livre ouvert, un véritable recueil de sentiments emmêlés et dénoués, tout plein de nœuds et de virages impossibles. Ils se connaissent trop, sont malheureusement trop semblables. Ils sont jumeaux. Et à ce seul mot, on peut résumer toute la compréhension qu’ils peuvent avoir l’un pour l’autre ; on peut aussi trouver dans ce mot tous ces différents qu’ils se trouvent avec le temps, qu’ils se créent avec le temps. « Pourquoi tu m’fais ça, Stojan ? Pourquoi ? » fait subitement Néo, comme un gamin geignard qui n’a pas pu avoir son cadeau. Pourquoi, pourquoi, pourquoi ?
Sans doute la question la plus idiote jamais posée.
Il oublie parfois qu’il est l’aîné, que c’est lui qui doit répondre aux questions et non l’inverse. Ils l’avaient brillamment fait, ça, avant. Néo qui répondait quand il savait, inventait quand il ignorait et Stojan qui interrogeait, qui trouvait les explications hasardeuses de son jumeaux justes. C’était suffisant. Mais maintenant, Néo ne voulait plus être seul, il ne voulait plus répondre aux questions où être le roc de quelqu’un. Il voulait être le papillon attiré par la lumière, le bateau par le phare.
L’appuyé plutôt que l’appui.
Mais apparemment, les choses ne sont pas ainsi. Ou juste éphémèrement. « Parce que, c'est comme ça. » Néo s’affaisse un peu, s’appuyant encore plus sur son frère. C’est comme ça ? Un élan de colère sourde lui prend les tripes. Il n’a pas droite de dire cela à Néo, à son frère, son jumeau, celui qui lui a trouvé toutes les réponses du monde, toutes les excuses du monde, toutes les protections du monde.
Il n’a pas le droit. Néo le déteste.
Il n’aime pas les petites phrases, les trucs concis et réalistes qui, au fond, ne veulent rien dire. C’est comme ça, pas autrement. On a vu de meilleures réponses, des solutions plus joyeuses. Néo aiment croire au courant de la vie, du long fleuve tranquille qui peut tourner en un instant en raz-de-marée. Il croyait à la profusion de choix et de possibilités, à chaque choix qui destinait vers une autre direction de vie. Mais non. C’était comme ça et pas autrement. Il détestait cette phrase. Tout arrivait pour une raison, lointaine ou non.
Il en était persuadé.
Il grinça des dents, prêt à répliquer à son frère comment il l’avait soutenu toutes ces années et comment lui-même lui répondait cette phrase fataliste, le moment où Néo avait besoin de lui. La vie était injuste. Faites du bien à Bertrand et il vous le rend en caguant, pensa amèrement Néo, sa bouche s’ouvrant d’ores et déjà pour répliquer. « Et ce sera toujours ainsi. Tu auras beau vouloir t'éloigner, quelque chose te feras toujours revenir. Tout comme moi d'ailleurs. C'est véridique et sincèrement, depuis le temps, je me dis que c'est mal foutu. Que nous sommes, mal foutus. » Sa rage ravalée, sa douceur idiote retrouvée, Néo nicha son nez dans l’épaule de Stojan, pensif.
Ils étaient mal foutus. Et pas foutus de rester éloignés l’un de l’autre.
Qu’est-ce qu’il aurait aimé voler, Néo. Voler loin de Stojan. Stojan et ses raisons, ses questions, ses réponses fatalistes. Son jumeau. Il se détestait. Il n’aurait pas pu détester Stojan. Mais lui, il se détestait. Sa manie de revenir vers les autres, et tout leur pardonner, d’exploser de manière ridicule quand bon semblait à ses hormones. Il se détestait d’être seul, trahi et encore une fois seul. Il se serra d’autant plus contre Stojan, crispé. « Tu peux continuer à te dire que tu me hais, mais tu te feras juste du mal. Tu ne gagneras pas grand-chose. » Ses doigts se serrent sur Néo, qui gémit, étouffé par les paroles de son frère.
Pourquoi tout lui semble-t-il si compliqué ?
Il se détache son jumeau, une lueur d’inquiétude lui brillant dans l’œil. Il regarde son frère et son pouce vient caresser son visage, redessinant ses pommettes avant de s’abaisser vers la lèvre, coupée et ayant une mauvaise tête. Il se mordille lui-même la lèvre, très soucieux. Son grand cœur de grand frère protecteur crie et lui, en réponse, il marmonne : « Je suis désolé. Tu dois avoir mal. » La vue du sang l’indispose. Il détourne le regard, observe la chaussée comme si y était peinte une fresque cachée de Michel-Ange. « Je… Je ne comprends pas. » Il dit ça pour l’année précédente, l’Evènement qui avait tout chamboulé. Il dit cela pour la phrase de Stojan, les morales de Stojan, si vraies mais si repoussantes.
La vérité doit-elle toujours être si horrible.
« Je veux te détester mais je ne peux pas. Je veux te bouder mais je ne peux pas. Je veux te frapper, je peux mais je regrette. Je ne comprends pas. Et puis, quand je suis loin de toi, je suis un puzzle éclaté. Et quand je suis près, je suis si en colère... Je suis content mais je suis doublement fois plus triste. Je crois que l’on a un réel problème, Stojan. Un problème important. Cela ne peut pas être normal. On est trop mal foutus. Ce n’est pas normal. » Il baisse la tête, regarde le bout de ses chaussures en enfonçant ses mains dans ses poches. Il est gêné, abasourdi ou peut-être hébété. Comme si il venait de voir la vérité. « Ca fait mal. Tout fait mal. » Il se sent perdu, confus, comme si ce qu’il disait n’avait aucun sens, comme si il tenait un discours désuet et décousu, avec autant de logique que quand il est illogique.
Il ne sait pas, il ne veut plus, il n’en peut plus.
Stojan Gautier
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Sujet: Re: iridescent. (stojan) Jeu 19 Avr - 15:47
Plus les secondes passent, et plus je me rends compte que ... Mon dieu il a une sacré force. Sur le moment, je n'ai pas pris conscience je crois des coups. C'est seulement maintenant, que je me dis que ça fait foutrement mal. Comme quoi, les apparences sont trompeuses. Ma lèvre me brûle, mon visage me fait mal. Comme une balle qu'un pied vient d'écraser, c'est le contrecoup qui est douloureux à digérer. Tirant une sale grimace, je sens alors le pouce de Néo glisser sur mon visage. Maintenant, et bien après la colère et la douleur, voilà la culpabilité. C'est hallucinant à quel point, un sentiment peut changer en un autre tout à fait contraire. Fascinant, presque flippant. « Je suis désolé. Tu dois avoir mal. » Un simple haussement de sourcils, à vrai dire, je ne sais pas quoi lui répondre. Lui dire que ce n'est rien, sonnerait bien trop faux. Ce n'est pas rien un coup, un coup de poing, non ce n'est pas rien. Mais, je dois passer outre. Je glisse alors mon doigt sur mes lèvres et le fixe. Du sang. Du sang, tout rouge. Et là c'est le drame. Je vois tout, je revois tout. Du sang, partout, tout partout. Regarde Néo, maman elle est en bas, y'a du rouge partout. C'est beau, non ? Ah tu trouves pas. Mais, elle reviendra je le sais, je le sens tu verras ! Elle va se relever, je le sais. Elle est tellement jolie maman, elle a pas le droit de mourir hein ? Je secoue alors ma tête, nom de dieu manquait plus que ça. Je déglutis, sentant un élan nerveux me parcourir le corps. Je suis, perdu. Du moins, dans ma tête tout est flou. C'est assez drôle, la façon dont un rien peut vous rappeler un tout. Une situation, que ce soit dramatique ou joyeux. Je sens mon corps claquer dans ma poitrine, imploser, exploser. Il suffit. J'inspire un long moment, je ne dois pas me laisser emporter par des souvenirs. Je n'ai pas le droit, ou du moins pas devant lui. « Je… Je ne comprends pas. » Bizarrement, je ne m'attendais pas à cette phrase. Je m'attendais à ce qu'il passe l'éponge, finisse par oublier. Mais, Néo n'oublie rien. Il garde tout au fond de lui jusqu'à tout déballer, pour tout vouloir savoir. Il veut comprendre, il veut savoir. Mais, il ne pourra jamais comprendre. Jamais me comprendre.
« Je veux te détester mais je ne peux pas. Je veux te bouder mais je ne peux pas. Je veux te frapper, je peux mais je regrette. Je ne comprends pas. Et puis, quand je suis loin de toi, je suis un puzzle éclaté. Et quand je suis près, je suis si en colère... Je suis content mais je suis doublement fois plus triste. Je crois que l’on a un réel problème, Stojan. Un problème important. Cela ne peut pas être normal. On est trop mal foutus. Ce n’est pas normal. Ca fait mal. Tout fait mal. » Comme un pauvre enfant que l'on vient d'attraper sur le fait, il retourne dans sa coquille. Se recroqueville sur lui-même. Les yeux vers le sol, les mains dans les poches, un long silence se glisse entre nous deux. J'aurais presque mal à sa place, je ressentirais presque sa douleur. Mais, rien. Je ne pense pas comme lui. Moi, je vois cette situation comme une opportunité, comme quelque chose d'unique à vivre. Je sais, oui je sais que tout ceci pourrira la vie de l'un comme de l'autre. Pourtant, et bien pourtant j'essaie de relativiser. Au fil des années, j'ai appris à me rendre compte qui m'était indispensable et ceux qui ne me l'était pas. Néo est au centre, Néo, Néo c'est juste tout ce que j'ai. Parce que je sais, que même la haine, la colère ne pourra jamais éclater ce tout. Jamais, et c'est ça qui me réconforte, me fait du bien dans les moments où il hurle. Il est tout ce dont j'ai besoin, il est juste ... Je ne sais pas. C'est étrange, presque malsain. Mauvais pour moi, mauvais pour lui. Mais, tant pis. Tout fait mal oui, c'est fataliste mais la douleur fini par disparaitre un jour, c'est véridique. Je fais quelques pas avant de me retrouver dos à lui. Le regard planté dans le ciel. « Tu sais, je crois qu'il n'y a rien à comprendre. Ne me demande pas pourquoi. Ne me demande pas l'impossible. » La question pourquoi ? est compliquée. Il faut expliquer, argumenter. Face à cette situation, je ne peux pas lui expliquer. Il ne pourrait pas me comprendre, et je sais déjà comment l'histoire pourrait finir. Une haine, ou des larmes. Néo aura beau essayer tenter de savoir, il ne pourra jamais trouver ça logique et pourtant. Pour moi, tout parait clair, limpide et cette histoire ne m'arrêtera jamais. Ariana était juste la mauvaise pioche, la carte piège et surtout la plus fragile. Il a suffit de quelques semaines et puis ... Plus rien. Cette histoire a rendu malade Néo, elle était " la femme de sa vie " je trouve ça triste, qu'il s'arrête à elle, 22 ans et déjà au bord du gouffre. « Je sais que ça te bouffe, te ronge petit à petit. Mais, parfois il vaut mieux ne pas avoir la réponse à la question. C'est pour ton bien. » J'ai envie de lui hurler au visage qu'il y en aura d'autres, que ce n'était qu'une femme fragile comme une autre, une demoiselle désespérée qui ne savait plus à quoi se raccrocher. Intérieurement je hurle, mais extérieurement, je reste stoïque. Puis, quelque chose me vient à l'esprit. Que ce qu'il peut bien faire ici ? Je fronce alors mes sourcils, je crains le pire. « Maintenant que j'y pense, que ce que tu fais ici ? Normalement, tu ne devrais pas avoir ta place dans cette " prison " pour monstres. » Dire le mot monstre devant lui, me donne la sensation d'avoir un sac de noeuds dans le ventre. Intérieurement je le sais, je suis un monstre, un genre de truc sans coeur. Pourtant, je ne regrette rien.
Rien du tout.
Néo Gautier
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De quoi es-tu coupable ? ◭ mes complices: l'alcool. la tristesse. ◭ mon crime: aimer. motif : trop aimer.
Sujet: Re: iridescent. (stojan) Dim 22 Avr - 18:26
Le monstre et l’écorché.
Deux frères, jumeaux de préférence, légèrement à problèmes tous les deux, carrément fous l’un de l’autre et furieusement fous l’un contre l’autre. Néo était fou de rage, épris d’amour pour ce reflet, cette copie conforme, cette part de lui-même qui lui faisait face. Et il n’aimait pas, mais alors pas du tout, cela. Il ne voulait dépendre de personne et, pourtant, il s’offrait au premier voulu, cœur et confiance sur la main. Stojan avait son cœur et sa confiance, éternellement. Alors que, pour certains, c’était du bois devenu cendres, avec Stojan c’était un phénix. A chaque fois, ça renaissait, quelqu’en soit la destruction, quelqu’en soit les conséquences.
Un putain de phénix.
Néo sait qu’il lui pose une colle, une question désespérée et restée trop longtemps muette. Mais, parfois, le besoin de savoir se fait omniprésent, pressant, horriblement proche et techniquement obsédant. Pourquoi, pourquoi, pourquoi ? Pourquoi maman et pas papa ? Pourquoi Maman ? On la rendait triste ? J’étais méchant ? T’étais méchant ? Néo aurait bien voulu poser les questions. Mais c’était lui qui avait subi l’avalanche, lui qui avait répondu au tac au tac à Stojan, sans trop savoir quoi dire, sans trop savoir quoi en conclure. Les interrogations existentielles, les incompréhensions importantes, les points d’interrogations obligatoires… Néo était passé par leurs réponses. Et il voulait que, cette fois, les rôles s’inversent.
Une seule fois.
Mais non. Si ils pouvaient parler de la mort, si il pouvait lui expliquer que tout arrivait à une fin et qu’il fallait l’accepter, s’il pouvait lui avouer que la tristesse sans fonds menait au pire, Néo était incapable de comprendre ce qui le reliait à son frère – si ce n’est son sang et cette ressemblance frappante. « Tu sais, je crois qu'il n'y a rien à comprendre. Ne me demande pas pourquoi. Ne me demande pas l'impossible. » Si !, avait envie de lui hurler son frère. Je te demande l’impossible ! Comme tu l‘as fait durant de nombreuses années ! Mais les mots ne dépassent pas la pensée, ne traversent pas la gorge pour former des phrases, des piques étincelantes dans un phénix qui vient de renaître. Ne lui mets pas de plomb dans l’aile, pense-t-il. Tu dois tout accepter. Il est trop frère, tu es le sien. Pardonne. Oublie. Son poing se serre néanmoins et les sentiments affluent, les mots apparaissent dans son esprit comme s’ils y étaient marqués au fer rouge.
Injustice. Impuissance.
Il est derrière lui, maintenant. Néo s’est vouté un peu plus sur lui-même, regardant la chaussée avec déférence et obstination. Celle d’un enfant triste, d’un enfant qui se garde de pleurer à la mise en terre de sa mère. Dans sa main, celle de son jumeau. Il ne doit pas pleurer, ce serait salir sa mémoire. Elle voulait mourir et elle est morte : si c’était un désir, ça n’a rien de triste. Le père, à côté, regarde la scène avec un air hébété, propre à l’alcool consommé récemment et en trop grande quantité. Bouche ouverte, yeux voilés de larmes, membres tremblants.
Si c’était le désir de sa mère, pourquoi les larmes embrouillent la vision du gamin ?
Cette posture, aussi, c’est celle d’un jeune homme coupé en pleine vie, asphyxié d’un trop plein de bonheur. Personne pour lui tenir la main, quelques regards compatissants mais pas plus. Certains doivent se dire mauvaise graine ou peut-être l’autre va déteindre sur lui. Mais Néo n’en a rien à faire, inconsolable. Il sait que c’est idiot, qu’on ne rencontre pas le Grand Amour à vingt-deux ans.. mais c’est plus fort que lui. Il l’aimait à en crever et, maintenant, elle était crevée. Certains trouvent l’amour à quarante, d’autre jamais. Il devrait profiter, lui, d’être en vie. Impossible.
Ses épaules se voûtent d’autant plus quand il pense à ça et, encore une fois, la chaussée revêt un intérêt tout nouveau en architecture suédoise.
« Je sais que ça te bouffe, te ronge petit à petit. Mais, parfois il vaut mieux ne pas avoir la réponse à la question. C'est pour ton bien. » Le jeune homme inspire difficilement, laisse à peine filtrer l’air, et expire en un gros soupir. Néo déteste la pensée qu’il sache quelque chose s’en vouloir le lui révéler. Il inspire, expire. Toujours difficilement, comme si tout le poids du monde lui pesait sur les poumons. Il s’oblige au calme, inflexible, retrouvant bien vite cette sévérité sévère qui le prend lorsqu’il a besoin de trier ses pensées. « Maintenant que j'y pense, que ce que tu fais ici ? Normalement, tu ne devrais pas avoir ta place dans cette " prison " pour monstres. »
Monstres.
En silence, Néo se tourne vers son frangin et plonge son regard dans le sien. Sans mot dire, ils restent ainsi une demi-minute. L’attitude de Néo est froide, distante.
Monstres.
Stojan est donc un monstre. Une attitude froide et distante, donc. Un regard gelé à peine fendillé d’affection. Un glaçon. Les épaules détendues, le dos droit et le menton relevé. Un monstre. Il l’a tuée, lui crie sa conscience. Ariana ! Ton Ariana ! Les mots se précipitent en Néo, veulent sortir mais sont bloqués dans sa gorge, coincée dans les artères menant cœur au cerveau. Ton Ariana ! Battement de cœur. Ton Ariana ! Battement de cœur. Ton Ariana ! Battement de cœur. Ton Ariana ! Maintenant, aussi longtemps que tu vivras, elle sera morte. Les secondes s’écoulent, Néo, et c’est des secondes sans elle.
Sans vous.
La réponse de Stojan fait remonter ce Néo à la surface, ce Néo amoureux et violent, passionné par sa cause, empoisonnée par ses conséquences. Le regard, d’origine noir, finit de se geler pour s’assombrir, preuve que des pensées bien funestes prennent place et de la place dans l’esprit du brun. Violence. Poing. Joue. Elargir les blessures, ne pas les laisser se refermer. Mais c’est ton frère, ce petit pincement au cœur, ce phénix qui reviendra toujours. C’est inutile. Nécessaire.
« Tais-toi, Stojan » tu chuchotes. « Tais-toi. »
Néo ferme les yeux et se pince l’arête du nez. Pas besoin d’être un génie pour comprendre qu’il a failli frapper, qu’il aime trop Stojan pour. « C’est ta faute, tu sais ? C’est ta faute si je suis là. » Il aimerait lui raconter toute l’histoire, cette soirée à essayer d’oublier, cette année à panser ses blessures mais sa gorge se noue, forme un énorme nœud complexe et indécelable. Non, tout ce qui passe cette frontière c’est le mot : « Monstre. » craché comme la pire des insultes.
Et, vaincu par la fatigue, retrouvé par son amie tristesse, Néo tombe à genoux et fond en larmes.