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Je vais pas dire que je suis ravi d'être ici, franchement je ne vois pas comment on pourrait être ravi de se retrouver en prison. Une prison définitivement atypique, mais une prison quand même. Enfin, je fais avec, j'ai pas trop le choix. Le fait de me sentir libre me manque, mes petits trafics, mes petites habitudes, mais je suis du genre débrouillard, alors je me suis vite fait à l’environnement. C'est un peu fatiguant de devoir surveiller ses arrières sans cesse, mais on finit pas s'y faire et j'ai su me créer un cercle de confiance. C'est drôle de voit à quel point de l'extérieur peut sembler comme n'importe quelle autre, quand on pense aux ramassis de dangereux criminels qui s'y trouvent.

Citation :

DOSSIER DU PATIENT N°212

IDENTITÉ ◭ Lesskov, Lyokha Nikolaï-Seven. PATHOLOGIE ◭ pervers narcissique. SYMPTÔMES ◭ dissimulation, mimétisme, cloisonnement des relations, induction, insinuation et calomnie, fausse modestie, création d'une relation de dépendance...

Avec Lyokha, nous avons à faire face à un cas extrêmement complexe. Il est difficile de le cerner avec certitude, c'est un vrai caméléon qui sait exactement quoi dire et quoi faire pour que vous soyez satisfait. C'est un parfait simulateur qui peut feindre n'importe quelle émotion, sans la ressentir le moins du monde. Il connait la psychologie humaine sur le bout des doigts et est aussi bien capable d'imiter une pathologie que de vous manipuler en vous analysant avec une grande finesse. Il a un souci scrupuleux des apparences, donnant le plus souvent, l’image valorisante pour son ego d’une personne parfaite, image qui cache son absence d’émotion -amour, sincérité, compassion, intérêt- pour tout ce qui n’est pas lui. Il ne s'intéresse pas à la réalité, tout est pour lui jeu d'apparences et de manipulation de l'autre. En tant que pervers narcissique, il use des pires manipulations inimaginables et en savoure les dégâts occasionnés qui sont dévastateurs et systématiques. Cependant, j'ai réussi à comprendre sa façon de penser. Je peux ainsi affirmer qu'il ne supporte pas de perdre le contrôle d'une situation, il aime avoir toujours un coup d'avance. C'est un calculateur qui veut tout dominer ; un charmeur qui aime séduire, mais jamais s'attacher, un bourreau raffiné qui aime torturer psychologiquement plutôt que physiquement. C'est un prédateur sans scrupule, un narcissique à l'égo sur-dimensionné qui s'attaque à des proies qu'il juge être à sa hauteur. Il ne s'abaisserait jamais à s'en prendre à des personnes qu'il juge pathétiques et minables, ce serait à ses yeux une perte de temps. Il aime les défis, se trouver au bord du gouffre. Il exècre la médiocrité, la lâcheté... Il me fait penser à un serpent ; il observe sa proie, cherche ses faiblesses, la piège et frappe sans lui laisser le temps de réagir. Le pire chez lui est certainement qu'il a parfaitement conscience des notions de bien et de mal, mais qu'il s'en moque éperdument. Pour lui, seul compte ce sentiment de triomphe qu'il ressent. Seul compte ses intérêts.
Il semble en apparence ne ressentir aucune compassion, disons plutôt qu'il a une vision du monde très particulière et qu'il ne soucie guère des conventions sociales. Le pardon n'est ainsi pas quelque chose qu'il comprend. Il n'y a pas de seconde chance, si on le trahit ! Ce sera oeil pour oeil et dent pour dent. Lui tourner le dos est ainsi une grave erreur, et tous ceux ayant un jour essayés de le piéger pourraient témoigner qu'il ne faut jamais le sous-estimer s'ils étaient encore vivants. S'il semble avoir passer l'éponge, ce ne sera que pour mieux se venger, car c'est quelqu'un d'extrêmement patient qui n'oublie jamais rien. Lyokha possède d'ailleurs un sang froid hors du commun, ainsi il semble très difficile de le faire sortir de ses gonds. La colère froide qu'il déploiera n'en est que plus impressionnante.

« Je t'en supplie, je ne le pensais pas. Ce n'était que des paroles en l'air ! » Lyokha dévisagea la jeune femme avec un air indifférent, ne se laissant pas attendrir par ses yeux bordés de larmes et son air désespéré. « Je t'avais prévenu Aniya, on ne touche pas à ma famille. Tu aurais mieux fait de partir quand je te l'ai dis. Je déteste les balances ! » Comment pouvait-elle croire qu'il allait la laisser en vie alors qu'elle souhaitait révéler des choses compromettantes sur sa famille à la police. Cette imbécile avait tenté de le séduire et voilà comment elle se vengeait de son rejet. Il fallait vraiment être stupide pour croire qu'elle pourrait réussir sans se faire prendre la main dans le sac. Il afficha un sourire amusé, tout en pointant son arme sur la tête de la jeune femme qui était à genoux devant lui, fermement enserrée par ses deux gardes du corps. Il fixa l'horizon, laissant son regard se perdre sur la mer déchaîné non loin d'eux. « Bien, on ne va pas discuter pendant des heures. Tu vois ce qui nous entoure » il eut un sourire indulgent en voyant la jeune femme suivre son regard avec une expression angoissée. « Que dirais-tu de jouer les sirènes ?! » Évidemment, cela n'avait été aussi simple, elle s'était débattue, trouvant dans son désespoir la force nécessaire pour se battre, mais elle n'avait pas fait le poids. Le lendemain, son corps avait servi à nourri les poissons. Sa disparition n'avait alerté personne, elle n'avait été qu'une petite junkie sans importance.

« Tu l'as tué ! » « Non. Je l'ai seulement laissé mourir. » Voilà qu'elle avait été sa réponse indifférente. Il ne tuait pas pour s'amuser, car la mort signifiait la mort d'un jeu qui l'enchantait bien trop, mais il fallait bien qu'à un moment la partie finisse par se terminer. La première fois qu'il avait vu quelqu'un mourir, il avait ressenti un incroyable apaisement en la regardant mourir. Il l'avait regardé tenter de vainement trouvé un échappatoire, luttant de toute ses forces contre son sort déjà scellé, puis finir par se résigner, brisée par la cruelle vérité que personne ne viendrait la sauver. Il avait adoré sentir son regard implorant braqué sur lui, et une intense exaltation l'avait envahi en voyant la terreur s'emparait d'elle en comprenant qu'elle allait mourir. Il s'était senti comme un dieu, ayant le pouvoir de vie et mort sur ceux l'entourant.

Il marchait dans les couloirs de la prison ignorant les paroles déplacées, murmures ou insultes. Il avait appris depuis bien longtemps à garder son sang froid en toute circonstance. Il laissa les gardiens le fouiller avant qu'il puisse entrer. « Bonjour Vito, tu as l'air en forme. » Il sourit en le voyant le fixer avec méfiance, et s'assit en face de lui tout en croisant les mains sur la table. « Que fais-tu ici ? Tu viens t'assurer que je suis bel et bien enfermé comme tu l'espérais ? » Il soupira face au ton amer de l'ancien associé de son père, le fixant avec agacement comme l'aurait fait un adulte devant un enfant pris en train de faire une bêtise mais niant fermement. « Tu devrais être heureux d'être enfermé. Si je n'avais pas usé de ma position, tu serais mort depuis longtemps ! » Il ignora sciemment le regard noir qu'il lui jetait, les tremblements qui l'agitaient ou l'expression furieuse qu'il avait prise. « Je devrais te remercier d'être enfermé ? Tu te moques de moi j'espère ! » Il eut un sourire en le voyant s'énerver, alors que lui, il gardait un calme parfait. « Tu devrais. Si je ne te protégeais pas, ton séjour ici ne serait pas aussi agréable ! Tu ferais mieux de réfléchir à tes propres fautes au lieu de me reprocher mes choix ! Tu es bien plus en sécurité ici que n'importe où ailleurs. N'oublie pas que ta tête est mise à prix. » Son interlocuteur sembla méditer sur ce qu'il venait de lui dire et hocha la tête, montrant qu'il comprenait que Lyokha n'avait fait cela que pour lui sauver la vie. Après tout, il était en prison pour un crime mineur et d'ici à sa sortie, le tueur à gage engagé pour le dégommer serait mort. Enfin, si on l'amenait pas ailleurs. « Qui gagnes-tu ? » Vito n'était évidemment pas naïf et se doutait bien que Lyokha ne faisait pas cela par pure charité, après tout, cela ce serait su s'il avait eu la moindre conscience morale.
...

DREAM. We all sell our souls sooner or later. Il ouvre les yeux, laissant échapper un reniflement dédaigneux en voyant le décor. Il a l'impression d'être dans un tableau de très mauvais goût, un truc au style aussi moderne qu'insipide. Tout cela ne semble avoir aucune logique, puis les choses se précisent. Elle est là. Douce et appaisante. Elle est exactement telle qu'il s'en souvient et en même temps très différente. Il reste à distance, refusant de tomber dans une illusion si pathétique. Cette idéalisation grotesque ne lui ressemble vraiment pas. Il n'a vraiment pas besoin de ça. Ce n'est rien qu'une vaste perte de temps. Ce genre de rêve est censé être une source de réconfort et il n'a pas besoin de réconfort. Il n'est pas faible ! Comment pourrait-il l'être alors qu'il s'amuse de tout avec un mauvais goût malsain ?! Il ignore les bras tendus vers lui et son sourire réconfortant. Il est trop tard, bien trop tard. Il se détourne de ses bras, comme il s'est détourné de la main qu'elle tendait vers lui alors qu'elle mourrait. Il soupire, agacé. Il déteste ce rêve, il est totalement inutile. Il cherche une porte de sortie, mais évidemment il n'y en a aucune. Il a juste à attendre. Il fera comme il a toujours fait. Après tout, il se moque complètement de passer pour un insensible. Cela ne fera que se rajouter à son casier déjà fort bien rempli. Ça, on peut dire qu'il a de quoi impressionner avec un casier comme le sien. Rien de ce qui était humainement faisable n'était absent.
Alors qu'il songeait à tout cela, il vit le décor changeait. Il sourit en voyant qu'il devenait bien plus à son goût. Adieu aux sentiments stériles et bonjour aux souvenirs qu'il appréciait. Il attrapa une carte qui traînait par terre, se remémorant sa courte carrière de croupier. Puis jouant avec un jeton, il se rappela avec nostalgie du casse spectaculaire qu'il avait organisé dans ce même casino. Avançant dans un couloir il admira plusieurs tableaux ; souvenirs de sa scolarité aux Beaux Arts. Tout ce qu'il avait appris là-bas lui avait été très utile lorsqu'il s'était lancé dans la contrefaçon d'oeuvre d'art. C'était l'activité qui l'avait intéressée le plus longtemps, mais comme à chaque fois il avait fini par se lasser. Il avait été un temps proxénète et dealer, avant de devenir trafiquant d'arme. Rien ne gardait son attention bien longtemps. Il leva la tête en voyant briller le néon du cabaret dont il était le propriétaire. Qui pouvait dire combien de temps il tiendrait avant d'en avoir marre cette fois ci ?! Pour le moment, cela le distraie, il adore savoir que de l'argent sale est blanchi dans son cabaret, que l'alcool y coule à flot, et que de la drogue y circule librement ; cela ne l'effraie nullement de graisser la patte à quelques ripoux et de faire ami-ami avec des politiciens aux moeurs légères. De dehors pourtant son cabaret parait tout ce qu'il y a de plus respectable, mais comme toujours avec lui cela n'est qu'une façade. Oh bien sûr rien n'est mis en évidence, pour profiter pleinement de tous les "services" que proposent le cabaret il faut montrer patte blanche.

NIGHTMARE. Si à vos yeux j'incarne le mal, malheureusement pour vous, je suis un mal nécessaire. Du rouge partout. Sur les murs, le parquet, et même sur lui. Tout ça est si ennuyeux. Il ne s'est pas ce qu'il est censé faire là, alors il attend dans un coin. Ils se font descendre les uns après les autres, puisque le traître ne veut pas se dénoncer alors ils sont tous éliminer. C'est comme ça que ça marche ; pas de pitié, pas de compassion, pas de retour en arrière. Il connait les règles, il les a plus d'une fois appliqué. Se salir les mains ne lui fait pas peur. Il déteste juste tuer pour rien. Il trouve cela vraiment inapproprié de tuer sans avoir une bonne raison de le faire. Cela démontre selon lui un total manque de contrôle. Les raisons sont si faciles à trouver qu'il ne comprend pas ceux qui prétendent ne pas savoir pourquoi ils agissent de la sorte. Il aime bafouer l'autorité, c'est une activité dont il ne lasse jamais. Beaucoup ne comprennent pas cette pulsion, cette envie autodestructrice de plonger avec un tel bonheur dans les problèmes. Etre un pervers narcissique est selon lui, une suffisamment bonne excuse. D'après les psychiatres, on ne peut rien contre son manque totale d'intérêt pour autre chose que lui-même, son absence d'empathie, son obsession pour la manipulation... Les autres ne représentent rien à ses yeux, si ce n'est des pions avec lesquels jouer et dont il se débarrasse une fois qu'ils n'ont plus d'utilité. Il peut parfois montrer de l'intérêt, mais il est difficile s'il est sincère ou non.
Le cauchemar se resserre autour de lui, alors que tous ceux qu'il a tué s'approchent de lui. Ils ont tous une attitude différente, mais tous posent la même question, "Pourquoi ?"

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