PRÉNOM/PSEUDO ◭ panda. OUIIII LAURA C'EST TA CAMILLOU ! ÂGE ◭ dix-sept ans. COMMENT ES-TU ARRIVE SUR LE FORUM ◭ bazzart. TON AVIS SUR LE FORUM ◭ ohmagad ôO CREDIT ◭ cyrine. UN DERNIER MOT ◭ COWABUNGA. CODE DU RÈGLEMENT ◭ ok par Europe la merveilleuse.

Somebody mixed my medicine, now baby it's all gone. Ouais. C'est une belle ville selon les critères du monde. Falkenberg. Le lac est derrière moi, la ville s'étend à mes pieds, et je me contente de froncer vaguement le nez comme si y'avait une quelconque mauvaise odeur dans l'air. En fait, il y en a une. Celle des ordures humaines, des rejetés de la société, meurtriers mauvais penseurs complètements dingues. Les erreurs, aussi, ceux qui devraient pas être là. Et à partir d'aujourd'hui j'en fais partie, de ces rebuts dont on veut pas, de ces saloperies qui font peur dans les jolies petites familles modèles de Neuilly-sur-Seine. Bande de cons.
Pour tout dire, entre ici ou Fleury-Mérogis, je préfère encore être ici. Au moins, on est à l'air libre. Mais il y a toujours cette sensation d'enfermement, comme si Falkenberg est foutue sous cloche. Ca enlaidit. Tout est moche, ici, comme encrassé. J'préfère encore le scintillement du lac, au moins il est naturel. La ville hurle aux ordures, ça me donne envie de pleurer, plus encore que la simple idée que ma fille de trois ans va grandir avec ses grands parents, plus encore que l'idée que mes frères et soeurs, idem pour ma belle famille. Rien à foutre de ça. J'ai tout perdu le soir où j'ai pété les plombs, le soir où on m'a passé les menottes avant que je puisse crever moi aussi, tous les rejoindre quelque part où on me grillerait le cul. Aujourd'hui j'ai plus rien à branler de rien, sauf peut-être de mes toiles, et sans doute que c'est pas plus mal.

Bang. Bang bang BANG, toi t'es mort, et toi aussi, et puis elle aussi et même la gamine là-bas, elle est morte. Tout le monde est mort. Youpi. Moi aussi j'vais crever, encore mieux.
C'est rouge, partout. J'aime le rouge, c'est une belle couleur. Le sol est rouge, les toiles suspendues aux murs de la galerie sont éclaboussées de rouge, moi aussi je suis rouge, des petites mouchetures un peu partout, sur mes bras, mes jambes, dans mon décolleté et sûrement sur mon visage. Mes pieds nus dérapent sur le sol humide et collant, je tombe sans arriver à me retenir à quoi que ce soit. Le sang encore chaud couvre ma jambe, mon bras, imbibe ma jolie robe blanc cassé et cheveux trop bruns. Je croise le regard vide d'un homme allongé sur le sol, face à moi. Il m'observe fixement, et le trou au milieu de son front laisse vaguement couler du sang. C'est beau. Surtout que le type, je le connais. C'est mon mari. Léandre Chevallier. T'es beau comme ça, chéri. Je me redresse lentement en position assise. J'observe. Du rouge, du rouge, encore du rouge. Des corps troués de balles. Trente-sept corps. Trente-sept balles. Il m'en reste une, une seule et unique, rien que pour moi. J'appuie le canon du neuf millimètres sur ma tempe. Et j'éclate de rire.

Elle a peint son dernier chef d’œuvre et son art, c'est la mort.

« Mesdames et messieurs les jurés, n'oubliez pas que ma cliente, madame Chevallier, plaide coupable. Oui, elle a tué trente-sept personnes, dont des enfants ! Oui, elle a perpétré l'un des pires massacres de cette année ! Mais n'oubliez pas qu'elle a pleinement conscience de son acte, contrairement à beaucoup d'autres tueurs qui s'obstinent à dire qu'ils n'étaient pas responsables de leurs actes au moment des faits ! N'oubliez pas non plus que son enfance l'a traumatisée. [...] Son père était alcoolique, mesdames, messieurs. Son père était alcoolique et sa mère est morte alors qu'elle était adolescente. Aînée d'une famille de cinq enfants, elle a dû, à l'âge de seize ans, subvenir aux besoin de quatre petits pendant que son père vidait les comptes en banque ! [...] N'oubliez pas qu'elle a elle-même une petite fille, une adorable petite fille qui a besoin de sa mère pour grandir ! [...] Mesdames et messieurs les jurés, je vous en conjure, soyez cléments avec cette jeune femme. Je vous remercie. » (extraits de la plaidoirie de maître Thibault Pernard)

« Après examen de l'accusée Céleste Philippa Chevallier, née le vingt-deux décembre à Concarneau, Finistère, il s'avère qu'elle aurait agi sous un coup de folie provoqué par un comportement typique du trouble de la personnalité borderline, lequel se traduit chez la patiente par une instabilité de l'humeur (périodes de mélancolie intense qui laissent soudain place à une colère noire), une difficulté très marquée avec l'intimité, une méfiance extrême lors d'une mise en situation stressante et une peur panique de l'abandon. Ce trouble de la personnalité borderline s'est sans doute développé durant son enfance, suite à l'abandon du géniteur de sa charge de père et aux difficultés rencontrées par la mère pour s'occuper correctement de ses cinq enfants.
Il s'avère que l'époux de madame Chevallier lui avait annoncé son intention de lui demander le divorce la veille de la tuerie, ce qui a sans doute provoqué sa crise de folie. » (compte-rendu du docteur Clémentine Foucauld, psychologue)

« Dossier numéro 30-998-15Y : Céleste Chevallier.
Crime : Assassinat par balle de trente-sept personnes (voir liste des victimes en page 3).

Commentaires du premier surveillant de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, Essonne.
Céleste Chevallier est une femme calme, plutôt agréable quoique silencieuse. Très peu bavarde, plutôt rêveuse, elle passe la majeure partie de son temps à dessiner ou à regarder par la fenêtre. Elle n'aime pas faire de remous. Impliquée trois fois dans des histoires de bagarre dans la cour ou dans le réfectoire, jamais agresseur, toujours victime (voir liste des personnes impliquées ci-dessous). En clair, on ne pense pas qu'elle a pu tuer autant de personnes. »

*
**

« Tu ne m'as jamais rien dit sur ta vie de famille. »
La voix, masculine et grave, brise le calme presque soporifique des sources chaudes. La fumée empêche de voir à plus de cinq mètres devant soi. Céleste, assise nue au bord du bassin, fait bouger ses jambes dans l'eau avec une certaine nervosité. Bien assis près du bord, un homme brun aux yeux perdus entre le brun et le vert et à la peau tannée, barbe de trois jours et sourire charmeur, relève le nez vers elle face à son silence. « Céleste ? » Elle hausse les épaules distraitement, appuie ses coudes sur ses genoux et cale son menton au creux de ses mains. « Je n'aime pas en parler. Ca me rappelle juste que je suis ici depuis deux ans et que ma fille est censée fêter ses cinq ans cette année. Et qu'elle me manque. » Il l'observe, se hisse à son tour sur le bord du bassin et l'oblige à se tourner pour lui faire face, doucement. Ils s'observent. Longuement. « Ca va, maintenant, Cel'. Je suis là, moi. OK ? Parle-moi de ta fille. » Alors pendant qu'il caresse sa joue du dos de la main, caresse ses cheveux bruns en les ramenant sur son épaule trop blanche et la regarde avec un petit soupir, elle parle. « Elle s'appelle Lumen. Elle est rousse, très très rousse, la peau très blanche et elle a hérité de mes yeux. Elle est très curieuse aussi. Elle passait son temps à me poser plein de questions sur tout et n'importe quoi. J'aimais bien lui faire une natte. Elle était toute petite quand j'ai tué tout ce monde. Toute petite. » Ce n'est que quand elle se tait qu'elle se rend compte qu'elle pleure. Il l'attire dans ses bras pour la bercer tendrement, et tant pis pour leur nudité. « Nataniel, tu promets de jamais partir toi ? » Le dénommé Nataniel l'embrasse sur la tempe. « Promis. »