Être ici ou ailleurs m'est fortement égal. Je n'apprécie pas cet endroit plus qu'un autre mais ce n'est pas quelque chose qui me chagrine plus que cela. Ne pas être libre ? Qu'est-ce que la liberté de toute façon ? Je ne crois pas un jour avoir pu y goûter pleinement aussi elle ne peut pas manquer. Certes c'est une aspiration en soit d'y toucher un jour mais elle sera à ma portée quand le temps sera venu. Pour le moment je suis ici et au final je ne pense pas que ce soit spécialement un mal. Mon ancienne vie ne me manque pas plus que cela bien au contraire on ne peut pas dire qu'elle était palpitante. J'étais guide de musée, s'il vous plaît ! Certes il y a plus ennuyeux comme métier mais ce n'est pas là ma vocation première de rester des heures enfermée avec des tableaux et des touristes niais à souhait. Mais cette opportunité de trouver un job sain s'est présentée à moi et j'ai voulut tenter. Mal m'en a prit visiblement. Vivre ici n'est donc qu'une étape de plus à ma vie, un truc à rajouter à mon curriculum vitae peut-être ? Les personnes qui vivent ici ? Il ne faut pas vous inquiéter pour ça, vraiment. C'est du déjà vu, j'ai été entourée par ces gens la majeure partie de ma vie et ils ne me font ni chaud, ni froid. Leur réactions je peux les prévoir, m'y soustraire. Je suis comme une anguille dans ce monde, ce n'est qu'un retour en arrière, peut-être pour pouvoir prendre un meilleur envol ? J'en sais foutrement rien, l'avenir me le dira. Au final cet univers m'est assez familier, il retrace une grande partie de mon enfance et de mon adolescence me replonge dans des vieux souvenirs, certes loin des Disney & compagnie mais qui au fond m'est presque rassurant. Je ne suis pas perdue ici, j'y suis presque à ma place bien que loin d'apprécier cette compagnie.

Et puis surtout il ne faut pas perdre des yeux, qu'il y a LUI. Oui lui avec des majuscules. Non, non il ne s'agit pas de l'amour de ma vie, encore moins de mon âme sœur. Vous allez chercher bien trop loin. Non il ne s'agit « que » de mon frère aîné Czeslaw. Non, nous ne sommes pas inséparables depuis la naissance et encore moins collés l'un à l'autre depuis notre tendre enfance. Le destin nous a pas accordé cette faveur. Néanmoins je l'aime, même si je suis loin de lui avoir pardonné ses agissements, les raisons pour lesquelles il se retrouve ici. Il a traité avec les démons de notre passé si je puis dire ainsi. Mais sa présence rend cette condamnation -si on peut appeler ça une condamnation- encore plus douce qu'elle ne l'est déjà. J'aime savoir qu'il est là, qu'il peut veiller sur moi. Que quelqu'un m'aime tout simplement est quelque chose de réconfortant.

DEAD MEMORIES IN MY HEART

« Alors tu as hâte de découvrir Londres ? De voir tes futurs frères ? » « Non. ». Qui pourrait-être heureuse à ma place ? Coincée dans un avion sans retour en compagnie de deux personnes qui arboraient un sourire écœurant depuis au moins trois heures et qui persistaient à me parler alors que je ne comprenais pas même la moitié de leurs phrases. Ignorant qu'ils continuaient de me parler je me laissait aller dans un sommeil que j’espérais sans rêves. Malheureusement ils me hantaient. Ma mère, mon père, mon frère. Je ne pouvais chasser de mon esprit leur image, couverts de sang, sans vie. J'entendais encore les détonations qui avaient précédé leur mort. Les cris de mon frère tandis qu'on m'emportait loin de tout ce que je connaissais. Telle une poupée de chiffon, sans même considérer que je soit un être humain doué de pensées, de sentiments, de paroles. Je n'étais rien. Juste un objet qui pourrait avoir une quelconque valeur un jour ou l'autre, qui ne comptait pas, qui n'existait pas. Ils m'avaient juste dit que tout le monde était mort. Père, mère, frère. Et pourtant je continuais à entendre les cris de mon frère dans ma tête. Trois mois que j'avais perdu tout ce que je possédais, trois mois qu'on ne m'avait pas demandé de parler, trois mois qu'on m'avait laissée dans une solitude presque totale. Avant de m'annoncer qu'une famille d'anglais allait m'adopter. La seule chose que j'avais trouvé à demander c'était quel prix ils m'avaient achetée. Je n'ai jamais eut comme réponse autre chose qu'un sourire narquois. Et on m'avait lâchée avec ces deux énergumènes qui pensaient m'avoir sauvée d'un horrible orphelinat. Mais ils m'avaient juste soustraite de mon pays d'origine, loin des personnes qui pouvaient avoir l'espoir de me retrouver. Il ne me restait donc plus que onze ans à tirer avec ces anglais. Plus que onze ans....

ESCAPE WITHOUT HOPE

« Espèce de petite pute ! Viens ici ! » cri l'homme tout en me courant après. Je sais qu'il va me rattraper, que je ne pourrais jamais le distancer. Il est entraîné. Il est grand. Il est fort. Je suis petite. Je suis déjà essoufflée. Mais je ne veux pas m'abandonner à lui, je ne veux pas qu'il me reprenne sans que je ne dise rien, comme la dernière fois. J'avais raison. Cent mètres plus loin à peine il m'a attrapée. Alors je m'arrête de courir, de résister. La course est finie. « Ravie de te revoir Igor. Ça faisait longtemps. ». Parler le russe, ma langue maternelle, me réconfortait, j'étais presque heureuse que la situation me pousse à la réutiliser. Ma « famille » l'avait appelé lui et Matvei. Ils étaient à bout, ils voulaient que je reparte dans mon pays. Ils avaient tenus trois ans à supporter mes silences, mes sarcasmes, mes crises de nerfs, mes nuits à hurler dans mes cauchemars. Mais ils avaient finis par craquer, bien qu'ils aient eut la décence de me prévenir avant me laissant ainsi le temps de prendre mes baguages et m'enfuir dans les rues de Londres. Je voulais retourner en Russie mais pas sous la coupe de ces deux là. Malheureusement je n'avais pas prit en compte qu'ils pourraient retrouver une aiguille dans une botte de foin. Autrement dire une gamine de dix ans, dans les interminables rues de Londres. VLAN. La main d'Igor s'abat sur ma joue tandis que je titube en arrière. Il n'avait jamais porté la main sur moi auparavant. Ni lui, ni Matvei. Son regard me brûle tant il est mauvais, le même qu'il arborait lorsqu'il a levé son arme sur ma famille. Dans un élan de haine je me jette sur lui, le tape le griffe, lui crache dessus. Je n'ai le dessus que durant une demi seconde avant qu'il ne me jette à terre et me roue de coups. J'ai mal. Tout mon corps n'est plus qu'une masse de douleur. Je ne peux même pas retenir mes larmes. J'ai trop mal. Enfin les coups s'arrêtent et Igor s'accroupit au sol et me relève le menton. « La prochaine fois tu me vouvoies. Tu m’obéis. Et tout se passera bien. ». Il caresse mes cheveux avec un air de regret devant mon corps brisé en mille morceaux. Puis il me soulève comme si je n'étais qu'une brindille, ce que je suis au fond comparée à cette masse de muscles. Vers où m’emmène t-il ? J'en n'en n'ai absolument aucune idée, je m'en fou, je veux juste ne plus avoir mal.

HAPPY TO SEE YOU BRO

Paris. Milan. Budapest. Varsovie. Et puis Moscou. Retour à la case départ. Pourquoi maintenant ? Alors que j'ai souhaité durant toute mon enfance y retourner je ne garde maintenant qu'un goût d'inachevé. Puis-je encore considérer que la Russie est mon pays ? Alors que j'ai vécut à tant d'endroits différents. Puis-je encore considérer Igor et Matvei comme des inconnus ? Alors qu'ils m'ont en quelque sorte préservée ? Ce sont eux qui à chaque fois que je me faisais arrêter pour vol, recel, arnaques … et qu'on me renvoyait en Russie me redonnaient une fausse identité et m'accompagnaient dans un nouveau pays. Ils m'avaient tenue loin des réseaux de prostitution. Par respect pour mon père m'avaient-ils dit. Parce que même s'ils n'acceptaient pas son geste d'avoir fui, dans le passé ils l'avaient apprécié. Alors ils m'avaient envoyée dans des réseaux de vols à la tire après l'échec de la famille d'adoption. Je m'étais résignée à leur obéir, à n'être rien d'autre qu'une chose qui pouvait leur rapporter des sous. Je n'avais plus cherché à provoquer quiconque après la raclée que m'avais infligé Igor. Je n'étais pas maso. Une raclée me suffisait. J'avais mis deux mois à m'en remettre et encore aujourd'hui j'en gardais des cicatrices qui mettraient encore quelques années à disparaître complètement. Ils avaient gagné. Je m'étais soumise. Et finalement ce n'était pas plus mal. Jamais je n'avais eut à me plaindre de mes supérieurs. Les autres filles elles oui. Elles savaient qu'à leur seize ou dix-sept ans elles seraient envoyées dans des réseaux de prostitution. Moi non. Je savais qu'ils trouveraient toujours autre chose à me faire, faire. Alors j’obéissais et je ne me plaignais pas. Je n'avais qu'à voler. Ni plus, ni moins. Ce jour là j'étais tranquillement assise dans le canapé devant une émission russe qui aussi nulle qu'elle soit m'évitait de n'avoir comme seule occupation de jouer aux cartes avec Igor et Matvei. Je ne les haïssais plus. Mais je ne les aimais pas pour autant. Loin de là. Je n'avais pas oublié leur froide détermination lorsqu'ils avaient pointé leurs armes sur ma famille et que sans aucune émotion ils avaient tiré. Non je n'oubliais pas et je n'oublierais jamais. BOUM. La porte explose et laisse entrer un homme. Un jeune homme. Il tire. D'abord sur Igor puis sur Matvei. L'un tombe de sa chaise tandis que l'autre s'effondre sur la table imbibant de sang ses cartes. Je reste tétanisée tandis que mes souvenirs remontent à la surface. Je cache mon visage dans mes mains refusant de revoir cette scène de massacre. L'homme s'approche de moi. Me murmure mon nom mais je ne veux rien entendre. Non rien. Pourtant sa voix réveil en moi des sentiments profondément enfouis. Des sentiments de gaieté, d'insouciance, de bonheur. Pandora. Voilà longtemps qu'on ne m'avait plus appelée ainsi. On me surnommait « petite » ou « la gosse », ou par mes fausses identités. Ekateryna, Anya, Slava, Yena... J'avais tout eut. Doucement l'homme réussit à retirer mes mains de mon visage et relève mon menton me forçant ainsi à regarder son visage. Et je comprends. Ce n'est pas simplement un homme. C'est Azazel. Mon frère. Je ne peux pas m'empêcher de laisser couler mes larmes, tandis que mon cœur s'arrête de battre. « Je...ils m'ont dit que tu étais mort. Pourquoi...pourquoi tu n'es pas venu avant ?! » j'avais envie de le frapper, de le détester. De le prendre dans mes bras, de l'aimer. Mais j'étais tétanisée incapable de faire autre chose que de pleurer. Comme une enfant que je n'étais pourtant plus.

HOPE TO SEE YOU AGAIN

« Azazel...Azazel...Répond moi s'il te plait. Azazel. Ne me laisse pas encore une fois... ». Je le supplie mais je n'obtient aucune réponse. Rien d'autre qu'un vide de l'autre côté du téléphone. Et puis plus rien. Cette fois je ne pleure pas. Non. Je reste impassible devant mon oncle qui lui aussi n'exprime aucune émotion. Lui c'était habituel. Il avait toujours cet incroyable sang froid, cette attitude impassible qu'il ne quittait jamais. Je l'admirais pour cela et j'avais décidé de calquer mon attitude sur la sienne. Et pourtant je rêvais de casser tout ce qui se trouvait autour de moi, de hurler ma rage et mon désespoir. Jamais je n'en n'avais autant voulut à Azazel. Il m'avait laissée seule. Complètement seule. Je pouvais sentir le regard de mon oncle sur moi. Il attendait ma réaction. « Je vais aller faire un tour dehors. Je reviens pour le dîner. » Attrapant ma veste je m'échappais de cet endroit clos, qui sans Azazel ne me paraissait plus être mon foyer. Nous n'avions jamais pu rattraper le temps qu'on avait perdu, il restait toujours entre nous cet énorme fossé mais dont l'écart se rétrécissait jours après jours. Mais je n'arrivais pas à accepter qu'il m'ait abandonnée. Et surtout pour eux. Avait-il la mémoire si courte que cela pour oublier ce qu'ils nous avaient déjà fait ? Rageuse je l'étais. Déçue également. « Pandora ? Pandora Jakotrovietch ? ». La voix est froide, coupante comme un rasoir. Je connais ce type de voix. Je pouvais d'avance deviner à quoi ressemblait cet homme. Grand, fort, cheveux courts, yeux glacials. L'idée de courir me traversa l'esprit, mais je finis par me résigner. Je n'avais plus dix ans. Il n'était plus temps de courir. Ne pourrais-je donc jamais vivre ma vie, sans que l'un d'eux me hante ? « Oui. Je peux vous aider peut-être ? » « Viens avec moi, il faut qu'on discute affaire. » « Je ne compte pas faire affaire avec vous. Ni avec aucun de vos petits copains. Réellement. Je ne suis pas intéressée. » « Je ne pense pas que tu aies réellement le choix. Tu devrais m'écouter. Enfin si tu tiens un tant soit peu à ton frère. » Azazel. J'étais encore remontée contre lui, mais je ne pouvais pas entendre ces paroles sans rien dire. Sans agir.

WHEN OUR NIGHTMARES COME BACK

« Voilà. On sait que tu travailles dans un musée depuis, deux ans maintenant. On veut que tu te renseignes sur la sécurité et que tu nous fournisses un tableau dont on te donnera le nom plus tard. Évidemment pour éviter que tu nous trahisses tu participeras à l'opération. » « Je ne veux pas tremper dans vos affaires. Vous me garantissez la vie d'Azazel. Très bien. Mais accepter c'est retomber dans toutes vos magouilles et ne plus jamais en sortir. » « Je ne pense pas que tu aies une autre option Pandora. » Il avait raison. Je savais qu'il avait raison. Ils mettraient leurs menaces à exécution si je ne participais pas à leur plan, il n'y avait pas de doutes là dessus. Mais si je me résignais ils pourraient garder un total contrôle sur ma vie tant qu'Azazel était en prison. Jamais je ne l'avais autant maudit qu'aujourd'hui. « Très bien. Mais je pose mes conditions. Je veux trois hommes. C'est moi qui prend les décisions et qui dirige cette équipe. Compris ? Ensuite je veux un avocat, un bon, pour faire réviser le procès d'Azazel. » « Doucement ma belle. Très bien trois hommes. Mais tu ne diriges pas. Je garde le contrôle tu me seconderas et il n'y a pas de discussion là dessus. Pour l'avocat on verra ce que l'on peut faire. »

AN (ALMOST) HAPPY END

La sentence est tombée. Me voilà envoyée en Suède dans un endroit dont je n'arrive même pas à retenir le nom. Alléluia. Tout ça parce que ces idiots d'homems n'ont pas suivit ce que je leur avais dit. Résultat : un mort chez nous, un mort chez les policiers. Une fusillade. Et surtout un emprisonnement. Enfin au fond ce n'était pas ça le pire. Puisque là bas je ne serais pas sous leur coupe.