son cœur est une éponge. creusé de petits trous. il ne le sent pas, il ne l’a jamais senti, mais c’est là depuis un moment, il paraît. c’est ce qu’ils lui ont dit, avant qu’il ne sorte fumer ; ils ont accroché les scans sur le mur en face de son lit, comme s’ils avaient peur qu’il oublie que ses jours sont comptés. il a quinze ans. ses examens sont dans quatre mois, son anniversaire dans quelques semaines. il n’aura ni l’occasion de les passer, ni celle de le fêter. il va rester dans cet endroit envahi de gens malades et mourants, se gaver de médicaments pour faire passer une douleur inexistante, attendre la visite de son médecin tous les matins, écouter les diverses opérations qu’il propose, refuser, pas parce que c’est cher, pas parce que c’est dangereux, mais parce que ça serait admettre, et qu’aleks ne veut pas admettre. devant l’entrée de l’hôpital, une cigarette coincée entre les lèvres, il a quinze ans, quinze ans et sa vie devant lui, une vie dont la durée a subitement été divisée par trois, voilà, à cause de quelques trous, quelques malheureux trous. ils n’ont qu’à mettre de la colle, combler les vides avec du papier journal, peu importe, il s’en moque. il veut s’en aller, rentrer chez lui, continuer à vivre normalement, même si son quotidien n’est pas des plus exaltants, même s’il y a mieux, il veut que ça continue, « l’existence est un cadeau, un bien précieux qu’il faut chérir et aimer » et c’est justement ce qui lui fait peur, car il a peur, il est humain, on lui dit que l’un de ses organes vitaux est foutu alors il flippe, c’est normal ; on peut racheter une voiture quand elle casse, une maison quand elle brûle, mais pas un cœur. pas la vie. ça ressemble à un vieux slogan d’une pub qu’il a vu une fois à la télévision, ça manque de le faire rire mais il ne rit pas, il en a envie mais ça ne sort pas, ça ne peut plus sortir, maintenant, il se sent comme un objet qu’on va jeter à la poubelle parce qu’il est défaillant, trop vieux, mais putain, il a que quinze ans.