"But wait a bit," the Oysters cried,
"Before we have our chat;
For some of us are out of breath,
And all of us are fat!"
"No hurry!" said the Carpenter.
They thanked him much for that.

PRÉNOM/PSEUDO: Soft Parade, Manon. ÂGE: Dix-huit ans. COMMENT ES-TU ARRIVE SUR LE FORUM: Bazzart. TON AVIS SUR LE FORUM: Sublime. CRÉDIT: Soft Parade. UN DERNIER MOT: Break on through, to the other side. CODE DU RÈGLEMENT: Ok par Cze.

Celui qui se transforme en bête se délivre de la douleur d’être un homme.

Ne pas exister. Seul crime. Minttu n’a rien fait. Minttu est profondément une victime et cela l’afflige. Elle aurait aimé pouvoir tuer. Engorger un prêtre. Flinguer une vierge. Brûler un enfant. Donner un véritablement sens à sa vie. Même si l’horreur est abjecte, elle possède néanmoins la qualité, pas si humble, de pouvoir tracer votre silhouette dans ce grand dessin qu’est l’Univers. Minttu se désole d’être ici pour rien. Parfois, quand la Lune est haute et triste, il est possible de l’entendre murmurer qu’elle tuera si cela lui permet d’exister enfin. Mais Minttu n’a pas le courage. Minttu n’est pas une meurtrière. Elle n’est pas folle, elle n’est pas saine d’esprit non plus. Minttu n’est strictement rien. Juste vide. Elle vogue sur une frontière qu’elle ne dépassera jamais. Vous pourrez l'entendre rire, tournoyant entre les arbres, appelant sagement quelqu'un pour l'abattre. Tuer ou être tuer – rien ne fonctionne de cette manière. Tuer, cela vous tuerez. Se faire tuer, tuera. Tout ceci n'est pas clair. Vous ne comprenez rien ? Tant mieux, Minttu non plus. Elle croit en ce qu'elle ne comprend pas. Croit au pouvoir des divagations et aux choses qui seraient ce qu'elles ne sont pas.

Lorsque ses petits yeux se posent sur le nouveau décor, Minttu ne peut s'empêcher de s'esclaffer. On raconte que son père, fortuné et insensible, finança son voyage. Fraude judiciaire ou que sais-je. Pour l'honneur. La réputation de la famille. Mais on raconte aussi que Minttu aurait couru, nue, au milieu des routes, tard dans la nuit, en débitant maintes choses étranges. Qualifiée de sorcière moderne ou autres conneries dans le genre. Un prétexte comme un autre. Minttu, elle, raconte qu'elle frôla de trop près les étoiles pour demeurer là-bas. Personne ne saura jamais. Encore une de ces histoires sans fin et sans but.
- Je vais mourir, n'est-ce pas ?
- Probablement.
Une histoire qui ne cesse de ricaner.

La marche des vertueux est semée d'obstacles qui sont les entreprises égoïstes que fait sans fin surgir l'œuvre du Malin. Béni soit-il l'homme de bonne volonté qui, au nom de la charité, se fait le berger des faibles qu'il guide dans la vallée d'ombre, de la mort et des larmes, car il est le gardien de son frère et la providence des enfants égarés. J'abattrai alors le bras d'une terrible colère, d'une vengeance furieuse et effrayante sur les hordes impies qui pourchassent et réduisent à néant les brebis de Dieu. Et tu connaîtras pourquoi mon nom est l'éternel quand sur toi s'abattra la vengeance du Tout-Puissant.

Que nos enfants soient damnés. Condamnés à la peine capitale. Qu'ils pleurent et rient. Qu'ils dansent et endurent la valse. S'éteignent, impies. S'illuminent sans jeter un cri. Ils renaîtront, un de ces quatre, là-bas, sur la dérive fantomatique, où l'imaginaire assaille la réalité. Qui sait. Le temps est mort. Les oiseaux ne chantent plus. Le ciel n'est plus bleu. Les Démons prient. Les Anges fuient. Et Minttu rit. Agite les bras dans tous le sens possibles et inimaginables. Renverse son buste d'avant en arrière, d'arrière en avant ; un putain de cheval à bascule. Elle n'arrive plus à s'exprimer. Seul un dialecte particulièrement étrange s’extirpe d'entre ses lèvres, telles les volutes grisâtres qui grimpent, toujours et jamais, vers le Christ. Comme ses rires. Ils s'évaporent tous, là-haut, derrière la Lune et le Soleil. Mais Minttu s’en branle du Jour, de Dieu. Et lorsque les monstres ferment leurs grands yeux sans pupille, elle respire enfin. Parmi les rires et la joie, son petit cœur se crispe, comme s’il fonctionnait de travers, comme s’il s’atrophiait à chaque inspiration. Minttu n'est pas triste, elle n'est pas heureuse non plus. Elle se perd, simplement, s'égare là où l'univers rêve. Minttu aimerait bouffer des chimères et chier des cauchemars. Minttu aimerait savoir pleurer, comme elle aimerait savoir rire. Or, Minttu est factice. Un prototype raté de Dieu, rebut d’un Monde qui ne l’acceptera jamais. Rien n’est vrai. Rien n’a jamais été vrai. La Vie n’est qu’un Grand Théâtre, fait d’opale et d’argent, de sueurs, de sang, et de pleurs, où les seconds rôles se déchirent afin d’atteindre le sommet de quelque chose qui n’en possède pas. Ça baise les espoirs. Ça baise les idéaux des enfants. Pourtant, Minttu continue à croire au Pays des Merveilles, attend désespérément ce fichu lapin blanc qui la traînera dans un terrier où l’improbable devient probable. Où elle sera accueillie à bras ouverts. Rien à foutre si le Lièvre de Mars et le Chapelier Toqué nagent dans une baignoire de mercure. Rien à foutre si la Chenille divague – elle veut traverser le firmament sur le dos du long crocodile. Rien à foutre si le Morse et le Charpentier, ces fils de putes, la goberont encore plus rapidement que les petites huitres. C’est toujours mieux qu’ici. Elle ouvre ses paupières, quelques larmes dégoulinent le long de ses joues rosées, des larmes dénuées de sens. Autour d’elle, le néant. Autour d’elle, le silence. Minttu ne rit que lorsqu’elle est seule, elle n’accorde cela qu’à la Lune et les Étoiles, qui de leurs regards bienveillants, l’écoutent et la surveillent. Mais tout s’éloigne. Tout est si froid. Une dernière révérence et les rideaux se ferment. La nuit est si belle, elle pardonne au jour de n’avoir été que douleur.

Ce fut le dernier sourire de Minttu Päivikki.

Des créatures de Dieu qui s’étaient endormies en pleurant, ouvraient les yeux pour pleurer de nouveau.

Minttu rêve. Sur la cime de ses illusions, le Monde revêt enfin de jolies couleurs, d’en haut, elle voit absolument tout. Les enfants qui rient, les étoiles dans les regards, le cœur des femmes et le sourire des hommes. Le fantasme d’un univers sans larmes. Pourtant, Minttu, elle l’aime bien le Monde lorsqu’il est dégueulasse. La beauté qui émane de son utopie la terrifie. Son cœur coince, elle recule d’un pas et ferme les paupières. L’Idéal devient Enfer ; la Réalité devient Paradis. Et lorsque son âme se peint de noir, ses paupières s’ouvrent. La chambre l’entoure, et rassurée, elle se redresse doucement, glisse ses doigts dans quelques mèches couleur or. Les rayons du Soleil zèbrent la chambre, délicatement, ils caressent les courbes de Minttu, qui dérive son regard vers la fenêtre. C’est une belle journée pour mourir. Elle sourit. Se lève. Disparaît. Les Pénombres l'encadrent, rient à s'en écorcher la gorge, tandis qu'elle se déplace lentement à travers les couloirs, le visage ailleurs, une main qui traîne contre les murs, des cheveux en vrac. Elle n'a peut-être pas quitté son rêve – qu'elle se dit. Ou peut-être que l'Univers divague, peut-être que la Vie pète un câble – qu'elle se dit, aussi. L'envers est l'endroit. Coup d'oeil vers la porte du bureau de son père. Coup d'oeil vers les longs escaliers. Coup d'oeil vers le plafond interminable. Tout est si grand aussi. Tout est si propre. Tout est si clair. Tout est si faux. Le Dôme n'égale celui du Ciel bien qu'il semble dénué de toute modestie et affirmer le contraire, Minttu se demande si un jour, le Ciel écrasera cette Demeure intolérablement vaste, pour enfin violer l'outrage et imposer son règne. Minttu titube, cogne sa carcasse contre le mur.
Tremblement. Sa gorge se noue.

Le Soleil explose, les flammes crient et pleurent, se tordent de douleur – l'enfant doit mourir. L'enfant doit accomplir sa tâche. Le Monde n'a d'importance, priez la chaleur d'un cœur qui ne bat plus. La Mort et la Vie n'existent pas. Il n'y a ni malheur, ni bonheur. Juste le vide et seulement le vide. Serrez la main de votre voisin : il faut sauter, je vous prie, le néant n'a rien de terrifiant.
N'ayez pas pitié des Vivants, n'ayez pas pitié des Disparus. Ayez pitié de vous.

L’âme de Minttu n’est qu’un tableau, les couleurs sont tristes, pâles, le paysage ne se définit pas. Le flou artistique, un délire d’un Artiste qui n’apparaît pas. La vie est abstraite – elle n’est que le rien et le tout du Monde. Le flou ne révèle que la fragilité, cette brume qui entoure les êtres vivants, qui peut disparaître à tout instant comme elle peut porter remède. Cependant, bien évidemment emprunt d’une certaine folie, parfois, il est possible d’illuminer ces teintes qui ne veulent rien dire. La paix se meut dans les airs et ses ailes colorent l’âme. Minttu sourit, un sourire sincère, si sincère qu'il frise la tristesse. Elle n'écoute plus cette petite voix dans sa tête, cette petite voix que maints individus aiment à surnommer : la lucidité. Est-ce donc ceci la folie ? Ne plus écouter la petite voix qui résonne inlassablement, l'oublier, apprendre à l'ignorer pour vivre comme nous l'entendons. Ne plus se faire dicter par une certaine conscience. Non, ce n'est pas ça la folie. Si proche de la Fin, Minttu se sent libre et simplement libre. Être sur le point de mourir, c'est donc cela la liberté. Son âme s'illumine, ses couleurs deviennent instantanément plus vives, Minttu rit. Tangue au bord du vide, observe le bas, si éloigné et pourtant si rapidement atteint. Du haut du toit, elle n'entend pas ses parents qui hurlent. Elle n'entend pas les non-pleurs de sa mère, ceux de son père. Minttu se contente de murmurer entre ses lèvres humides : la vie est la mort, la mort est la vie.
Comme une prière, les paroles sont vérité, puisque le Seigneur encule les menteurs.

Personne ne saura si l'Esprit de Minttu s'est envolé, laissant derrière lui ombre et silhouette creuse. Personne ne saura si Minttu est parmi nous.
Personne ne saura jamais ce qui se déchira en Minttu.

Jetez vos larmes dans la gerbe. Crachez votre âme en putréfaction. Dégueulez vos entrailles en peine. Agonisez éternellement. L'Agonie interminable. L’Éternelle douleur. Celle que vous chérissez et haïssez. Celle dont vous dépendez. Elle vous assassine à l’aurore. Elle vous fait renaître à l’aube. Elle vous tient debout. Elle soumet vos genoux au bitume. Tant de hurlements déversés. Tant de jouissances exprimées.
Rien n’est vrai.
Tout n’est que poussière.
Vous sacrifiez la réalité.
Vous sacrifiez la lumière.
Pour rien.