PRÉNOM/PSEUDO ◭ rapture system. ÂGE ◭ 18 tout juste. COMMENT ES-TU ARRIVE SUR LE FORUM ◭ je sais plus =>. TON AVIS SUR LE FORUM ◭ merveilleux CREDIT ◭ UC. UN DERNIER MOT ◭ J'sens que je vais me plaire ici ♥. CODE DU RÈGLEMENT ◭ ok par Cassandre.

Une main sur la vitre glaciale, je contemple la vie qui s'étend au-dehors. Absolue insignifiance qui vomit sa grâce sous mes iris sombres, suivant son chemin macabre, ignorant mes tourments. Moi qui fut un temps du côté de ceux qui soignent, me voilà désormais prisonnière d'une cage dorée, où les fous sont enfermés. Faute commise contre mon gré qui m'a conduite sur cette lande déserte ; place abandonnée des dieux où l'espoir n'est que chimère. Je m’abîme dans les ténèbres, ne pouvant échapper aux remords qui me dévorent un peu plus chaque jour. Car il est aussi là. Il hante aussi ces terres, fantôme d'un passé que je voudrais oublier. Mais comment le pourrais-je, craignant d'apercevoir sa silhouette parmi les ombres de Falkenberg ? Mes doigts glissent, lacérant la buée d'une empreinte illusoire. Seigneur, comme je hais cet endroit. L'hôpital me manque, les patients, ce travail dans lequel je parvenais à m'oublier et toutes ces nuits à panser ces plaies, à administrer ces ordonnances, ces pilules et piqûres. À défaut de pouvoir soigner ceux que j'aimais, je tentais de guérir les autres, avec un certain succès. Cruelle ironie du sort, qui vous baise par ses coups retords. M'arrachant à ma morne contemplation, je m'approche du piano, effleure les touches d'ivoire, égraine quelques notes qui s'envolent dans le silence. Te rappelles-tu, quand nous étions heureux ? Te rappelles-tu quand j'ai pleuré, le cœur brisé par notre bonheur? Tout est si loin. Une pluie de cendres qui s’effrite entre mes mains. Mes ongles trop rouges cessent soudain de racler la surface immaculée. Je me sens ridicule à ressasser ainsi mes noirs souvenirs. Que ne ferais-je pas pour être ailleurs. Que ne ferais-je pas pour effacer cette faute stupide, cette erreur qui m'a conduite ici. J'avais renié les liens – ô combien sacrés – du mariage par orgueil, pensant que tout serait à jamais enterré de cette manière. Quelques confidences à propos d'Arthur, de cette vie que je ne supportais plus, de cette infirmité que j'avais finis par exécrer. Quelques mots chuchotés au creux d'une oreille attentive, qui avait su tirer profit de cette douloureuse situation. Cassandre sait-il que tu hais ainsi votre enfant ? Cassandre sait-il qu'au fond de toi-même, tu renies la chair de ta chair ? Cassandre connaît-il la vérité, Âsa, la connaît-il ? Oh, non, il ne la connaît pas. Et tu n'aimerais pas qu'il l’apprenne, n'est-ce pas ? Une larme solitaire vient écorcher ma joue. Car, à présent, la fuite est inutile.

La petite fille court dans la neige. Elle court et court et court, comme si elle avait le diable aux trousses. Ses joues sont rouges, elles lui font presque mal à cause du froid. Maman dit toujours qu'il faut bien mettre son bonnet sinon, ses oreilles subiront le même sort et ce serait bien dommage. Maman dit aussi qu'il ne faut pas aller jouer près de la falaise. Mais ils y sont quand même allés. Ils ont quand même grimpé au sommet de la corniche enneigée, tout en haut, là où l'on peut frôler les nuages des doigts. Lave savait ce qu'il faisait. Lave est grand, il savait ce qu'il faisait. C'est ce que la petite fille se répète, encore et encore. Les larmes glissent sur ses joues et gèlent alors qu'elle se démène dans la glace, le souffle court. Que va-t-elle pouvoir dire ? Comment expliquer à Maman qu'ils ne l'ont pas écouté ? Elle a peur, si peur. Lave est son grand frère, il ne peut rien lui arriver. Il n'arrive jamais rien aux grands frères. Ils sont là pour protéger leurs petites sœurs et il ne leur arrive jamais rien. Jamais. Et pourtant. Il y avait tout ce sang. Tout ce rouge, en-bas. La maison n'est plus très loin, elle rejoint la petite route, court sur l'asphalte, court, court. Elle répète déjà ce qu'elle va dire à sa mère, se retenant de ne pas hurler. Maman, maman, on a pas fait exprès. Lave ne voulait pas y aller tu sais, mais moi je voulais voir les nuages maman. Je voulais les toucher, je voulais les caresser. Tu sais comme les nuages sont beaux maman, alors ne m'en veux pas. Ne m'en veux pas maman, ne m'en...

...veux pas. « Âsa ? Âsa tu rêves ? Si tu veux y aller, c'est maintenant. » Hochant la tête, j'enfile mon manteau et sort derrière Sana, refermant immédiatement la porte. « Bordel, si mon père nous voit, il va nous tuer. » J'esquisse un sourire triste, serrant contre moi un bouquet qui a connu des jours meilleurs. « J'pouvais pas partir sans lui dire au revoir. » « Ouais. Mais aller se balader dans un cimetière à une heure du matin, tu avoueras que c'est un rien tordu. » Je hausse les épaules, marchant d'un pas rapide. Comment lui dire ? Comment lui expliquer que mes géniteurs m'auraient regardé de travers si j'avais osé prononcer son nom, si j'avais osé dire que je voulais revoir sa tombe, une dernière fois. Moi, la meurtrière de leur fils chéri. Avec la mort de Lase, tout avait changé. La paisible famille s'était brisée et, derrière le vernis craquelé des apparences, il n'y avait plus que la haine. Jamais ils ne m'avaient accusée à voix haute, jamais un seul reproche n'avait été proféré à mon encontre. Jamais. Mais il me suffit, chaque jour, de contempler ce vide dans leurs yeux. Ils ne me voient plus. Ils ne voient que son absence, que ce manque, que ce néant que j'ai créé ; abîme noirâtre que j'ai creusé dans leurs cœurs. C'est pour ça qu'il faut que je parte, loin, loin d'eux. Que je me construise une nouvelle vie, belle, heureuse. Mais avant, il faut juste que je lui dise adieux. Et à jamais.