PRÉNOM/PSEUDO◭ Cappuccino ÂGE:◭ Dix-neuf, environ. COMMENT ES-TU ARRIVE SUR LE FORUM ◭ Partenariat TON AVIS SUR LE FORUM ◭ J'ai un peu de mal à lire la police, à cause de la couleur, mais c'est peut-être mon ordi qui déconne. CREDIT ◭ LipsLikeAMorphine UN DERNIER MOT ◭ Muahaha. CODE DU RÈGLEMENT:◭ Ok par le Russe

Elle n’était plus personne. Le vent soufflait avec force, soulevant ses cheveux épars qui encadraient son visage émacié. Le bout de papier qu’elle tenait à la main, qu’elle avait lu et relu maintes fois, avait décidé d’en profiter. Elle ne chercha pas à le récupérer, n’acquiesça pas même un pas dans sa direction. Immobile. Pourquoi bouger? Ses yeux faisaient des allers-retours, fixant une bande d’hommes qui l’observaient de loin. Des inconnus. Aucun changement à l’horizon, rien de dépaysant. Troquer un intrus contre un autre, un ennemi contre un second.

Sa main descendit le long de sa cuisse, jusqu’à ses longues bottes. Le froid mordant de la courte lame qu’elle y avait cachée la fît frissonner, alors qu’elle refermait ses doigts sur le manche de l’arme. Sensation de bien-être, de retrouvailles. Peut-être était-elle réellement celle que ces gens décrivaient ; elle l’ignorait. Mais alors qu’elle fixait avec curiosité ceux qui se rapprochaient lentement d’elle, un sourire moqueur prit place sur ses lèvres. Assassins, violeurs, psychopathes…n’étais-ce pas sous ces termes qu’on lui avait décrit les gens de cette ville? Ils pouvaient tout aussi bien être d’anciens amants, des ennemis ou un frère. Et ça n’avait aucune importance. Elle allait survivre…et se rappeler.
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16 Septembre 2010, Komsomolskaïa, Samara
Un double meurtre est survenu cette nuit, vers 2h40, derrière le pub Perildikinov. Atteints par balles, les deux victimes âgés respectivement de 26 et 5 ans, sont décédés sur le coup. Leur identité n’est pas encore connue des autorités. L’assassine a été retrouvée quelques rues plus loin, arme en main. Elle souffrait d’une importante blessure à la poitrine et après un court séjour hospitalier, elle sera jugée en procès pour homicide. article écrit par Natotchka Ivanovitch

Les bancs étaient tous remplis. À croire que ça leur plaisait, à ces connards, d’assister à une audience. Tous des vautours. Les jurés semblaient passionnés par des photos qui circulaient lentement entre leurs mains tandis que l’avocate souriait d’un air mauvais. Et puis elle était là. Immobile, sa peau lactée presque transparente sous la lumière éclatante qui traversait l’unique fenêtre. Ses cheveux reposaient lamentablement autour de son visage, son mascara avait tracé un dessin sur ses joues. Laide. Belle. Meurtrière. Dès son entrée dans la salle, il avait été pris du désir irrésistible de la prendre dans ses bras. Lui dire que tout allait bien aller, que c’était une erreur et qu’il allait le prouver. Totalement confiant. Elle était innocente, ça ne faisait aucun doute.

Et puis, il l’avait regardée. Pas elle. Un contact muet, il avait vainement tenté d’en provoquer un. Il avait toussé bruyamment, il avait changé de place avec son voisin – au grand dam du juge – et avait même raclé sa chaise contre le sol pendant une dizaine de minutes. Vainement, si ce n’est de se faire menacer de se faire renvoyer du procès. Le regard de sa femme restait suspendu dans le vide et celle qui pendant des années avait défendu avec fougue les autres se faisait désormais accuser avec des preuves accablantes. Les corps, l’arme, le passé. Tout était remué, supposé, redit. Et elle continuait de demeurer muette, de ne pas nier. Il avait envie de la secouer, la pousser à se défendre. Lui faire dire que tout ces accusations, ce n’était que des conneries. Que non, elle n’avait pas tué leur fille. Stoïque. Les yeux azurés d’Éléonora ne bougeaient pas, ils restent plongés dans l’infinie. Il voulait hurler. Sauf qu’il ne le pouvait pas. Et lorsqu’on l’appela à la barre, lui le mari de l’accusée, sa confiance en l’innocence de la jeune femme avait déjà faiblie.

« Pardon, qu’est-ce que vous venez de dire? »

Quelques mots, les premiers depuis le début des interrogatoires. Les membres du jury se penchèrent sur leur bureau, se délectant à l’avance de cette scène qui s’annonçait sucrée. Lui, fou de joie qu’elle réagisse enfin, continua de s’approcher alors que l’avocat, déstabilisé par cette voix claire, consentit à répondre à sa question.

« Que votre mari, Dimitriv, est appelé à la barre. »

Et les secondes qui s’écoulent, le temps d’un froncement de sourcils et d’une moue étonnée. Désenchantement. La chute est douloureuse lorsqu’on vole trop haut.

« J’ai un mari? »

Gifle morale, réelle stupéfaction. C’est malgré les ordres lancés par les membres du tribunal qu’il quitta la salle, claquant brutalement la porte derrière lui.

Rome, deux ans plus tôt

« Maman! »

Éléonora accueillit dans ses bras la fillette avec un éclat de rire, l’élevant dans les airs pour la faire tournoyer. Quelques touristes se retournèrent pour l’observer, curieux, avant de repartir rapidement pour courir après la guide qui semblait fuir l’avancée des heures. Son sourire s’élargit alors qu’elle reposait Ève sur le sol, ébouriffant avec affection ses cheveux. Ils étaient en Italie depuis deux jours, pour un petit voyage familial, et elle adorait ce pays où il faisait bon de vivre.

« Il y a un monsieur qui a parlé à papa, mais il ne comprenait rien. Il parlait …comment ça se dit, déjà? »
« Italien? »

Dimitriv avait surgit derrière elle, l’enlaçant doucement. Elle se retourna, déposant un baiser sur ses lèvres en l’observant avec tendresse. Une journée de rêve, vraiment. Mais il y avait une ombre au tableau, qu’elle préférait ne pas laisser filer. Elle pencha son visage dans sa direction, respirant l’odeur de son mari avec délectation. Un ‘’je t’aime’’ chuchoté à l’oreille, un moment d’affection et les pénombres qui reviennent. Éléonora serra les lèvres, murmurant comme s’il s’agissait d’une question inutile :

« Il ressemblait à quoi, ce monsieur? »

Aucune réponse, si ce n’est d’un haussement d’épaules. Elle tenta de cacher son irritation, glissant son bras sous celui de l’homme qu’elle aimait, attrapant ensuite la main de sa fille. Et tandis qu’ils déambulaient dans les rues, visiblement heureux, ses yeux erraient sur les visages des habitants.

8 janvier 2011, Gavoski, Samara
Le procès d’Éléonora Oksana, accusée du meurtre de sa fille et d’un homme, touche bientôt à sa fin. Rappelons que l’avocat de la défense a invoqué l’amnésie psychogène quelques mois plus tôt, pour repousser les dates des séances. Sa cliente n’ayant toujours pas ‘’retrouvée’’ la mémoire, les interrogatoires ont repris depuis décembre. Le divorce a été demandé par son mari, qui a par ailleurs refusé de retourner à la barre. Un verdict devrait être rendu sous peu. article écrit par Felitsa Ludmila

Ses cris retentissaient depuis une dizaine de minutes, résonnant contre les murs vides de la salle. Insensible, l’homme qui lui tordait violemment le bras derrière le dos eut un sourire mauvais. Elle retînt les injures qui voulaient franchir ses lèvres, occupée à lutter contre la douleur qui se faisait ardente. Il la relâcha finalement et elle s’étala, face contre terre, le nez en sang. Des hématomes parsemaient déjà sa peau blanchâtre, véritable taches sur ce tableau anciennement parfait.

« On dit que les traitements chocs réveillent parfois la mémoire…Peut-être n’étais-ce pas assez…?»

Il n’avait pas besoin de terminer sa phrase qu’elle la devinait déjà. Instinctivement, par un réflexe absurde qui témoignait d’une habitude qu’elle ne comprenait pas, Éléonora fît un pas en direction de son bourreau. Yeux flamboyants, tête redressée. Son corps était faible, son esprit ne l’était pas. Folle. Peut-être étais-ce vrai. Depuis des mois, elle y réfléchissait, cherchant une vérité que personne ne pouvait lui donner. Elle aurait aimé avouer, mais quoi? Rien. Elle ne se souvenait de rien. Pas plus de ce mari que de cette fille, dont on l’accusait d’avoir causé la mort. Sa fille. Une gamine aux grands yeux noisette et en robe violette, dont on lui avait montré la photo dans sa cellule. Sauf qu’elle n’avait rien éprouvé, en la voyant. Pas d’affection, pas de remords. Pas d’exaltation, ni de souvenirs. Seulement le vide et cette impression horrible que toute sa vie n’était que le néant. Les informations qu’elle grappillait ici et là d’elle lui donnait des allures de psychopathe. Vrai ou faux. Elle n’était pas à même de démentir personne, ni d’agir comme elle aurait dû le faire. Ce qu’elle savait, par contre, c’est que l’inspecteur n’aurait pas dû laisser ce coupe-papier bien en vue…

Ses gestes étaient plus précis qu’ils n’auraient dû l’être, pour une simple ancienne avocate. Et ses coups trop sauvages, trop habitués. Les gardiens rentraient précipitamment dans le bureau, terrifiés, lorsqu’elle pressa la lame d’argent contre le cou de son persécuteur. Situation inversée, pouvoir volée. Le premier coup de feu la jeta au sol, le second la fît lentement glisser dans l’inconscience.

Samara, un an plus tôt

« J’dois vérifier les systèmes d’alarme de votre maison. »

Elle ne savait pas ce qui lui déplaisait tant, chez ce pompier. Ses tatouages sur son avant-bras droit, ou cette chaîne qu’il portait autour du cou? Tant de détails qui clochaient, la rendant méfiante et alerte. Elle la laissa rentrer, s’écartant à peine de la porte alors qu’il se rapprochait, l’observant pendant quelques secondes d’un regard qui n’avait rien de professionnel. Des yeux dérangés. Instinctivement, Éléonora se recula jusqu’au comptoir de la cuisine. Sa fille jouait présentement dans sa chambre : jamais elle n’aurait dû faire entrer cet homme.

« Sortez. »

Une voix ferme, sans réplique. Qui n’obtint aucune réponse. Le faux travailleur continuait d’avancer, ayant cette fois perdu son sourire bienveillant. Rapidement, elle s’empara du couteau posé sur son plan de travail et le lança sauvagement. L’arme alla se figer dans l’armoire, à quelques centimètres du visage de l’intrus.

« Partez. La prochaine fois, je ne vous manquerai pas! »

Heureusement pour elle, sa réputation l’avait précédée. L’homme eut un instant d’hésitation, où il fît mine de vouloir encore avancer, mais l’air sauvage de la jeune femme le fît reculer. Avec un sourire mauvais, il fixa un point derrière l’avocate, semblant soudainement affolé :

« Votre femme est dingue, vous devriez la faire enfermer! »

L’homme avait quitté la maison lorsqu’elle se retourna, le cœur battant. Derrière elle, Dimitriv l’observait, effrayé.

Jour X, soir d'un drame
Il faisait froid. Elle avait resserré son manteau contre elle, regrettant le pull qu’elle avait laissé sur sa commode. La discrétion…Son ensemble noir, qui laissait à peine voir la couleur de sa peau, la rendait peut-être moins visible dans l’obscurité mais en ce qui concernait sa fille, la discrétion était loin d’être de mise. Celle-ci portait son sempiternel imperméable rose, serrant sa main innocemment en la regardant de ses yeux d’ange. Presque attendrie, Éléonora avait failli rebrousser chemin, envahie d’une bouffée de culpabilité alors qu’elle repensait à son mari. Elle avait envie de retourner chez eux, dans la chaleur de leur maison. Être dans ses bras, se taire et se contenter de mots d’amour. Sauf qu’elle ne le pouvait plus et désormais, il était trop tard pour reculer. De sa main libre, elle serra le manche rassurant de son arme. Blanche. Ça avait toujours été ses préférées.

•••

Tout son corps n’était plus que douleur. Flammes et souffrance, cris et larmes. Ses nerfs semblaient être tailladés, son cœur ne désirait plus se battre. Le néant. Ses paupières refusaient de s’ouvrir, ses doigts lui semblaient engourdis, poisseux. Elle sentit la peau froide d’un être, contre qui elle était allongée. Inconnue. Elle ne savait rien, ne savait plus. La douleur était tout ce qui emportait, tout ce qui la dominait. Un râle guttural s’échappa de sa gorge, alors qu’on la déplaçait Elle ne répondit pas lorsqu’on lui intima de rester éveillée, occupée à contenir cette brûlure qui s’emparait de sa poitrine. Feu, lame, désespoir. Elle n’était plus personne, qu’un amas de chair qui ne demandait que la mort.